lundi 24 novembre 2008

"DU REPENTIR" SAINT IGNACE BRIANTCHANINOV


« Repentez-vous et croyez à l'Évangile ! Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche. » (Mc 1,15 ; Mt 4, 17). Par ces paroles commence la prédication du Dieu-homme, paroles qu'Il ne cesse de prononcer jusqu'à nos jours au travers de l'Évangile. Lorsque le péché du monde s'est accru, le médecin tout-puissant est descendu vers nous. Il est descendu dans le pays de notre exil, de nos angoisses et de nos souffrances, celles qui précèdent les tourments éternels de l'enfer. Il annonce à tous les hommes la bonne nouvelle de la délivrance, de la consolation, de la guérison, sans exception aucune. « Repentez-vous ! » LA puissance du repentir se fonde sur la puissance de Dieu : quand le Médecin est tout-puissant, nul doute que la médecine soit également toute-puissante.
Ainsi, tout au long de sa prédication sur la terre, le Seigneur appelait à Lui ceux que le péché rendait malades, sans considérer jamais qu'il pût exister des péchés inguérissables. Aujourd'hui encore, Il continue d'appeler chacun de nous, promettant et accordant la rémission de tous les péchés, la guérison de tout mal dû au péché.
Ô pèlerins terrestres ! Que vous vous élanciez ou que vous soyez entraînés sur la voie large, au milieu du chahut incessant des soucis terrestres, des distractions et des réjouissances, parmi les fleurs mêlées aux ronces piquantes, que vous vous pressiez sur cette route qui vous conduit vers une fin connue de tous, mais que tous ont oubliée – l'obscurité de la tombe – puis vers une éternité plus effrayante encore, arrêtez-vous ! Rompez le charme d'un monde qui vous retient captifs ! Prêtez attention à ce que vous annonce le Sauveur, prêtez toute l'attention qu'il faut à Ses paroles! « Repentez-vous et croyez à l'Évangile », vous dit-Il, « repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche ».
Il est indispensable, pèlerins terrestres, que vous prêtiez attention à cette sollicitation essentielle, utile et salutaire, sans quoi vous descendrez dans la tombe, vous parviendrez au seuil, puis aux portes de l'éternité, sans avoir compris ce qu'est l'éternité, ni les obligations de celui qui y entre, et vous ne vous serez préparés que des justes châtiments à cause de vos péchés. Le péché le plus lourd, c'est manquer d'attention aux paroles du Christ, c'est négliger le Christ. « Repentez-vous ! »
Le chemin de la vie terrestre est mensonger, trompeur : il semble aux débutants un parcours infini, plein de réalités ; mais ceux qui l'ont accompli savent qu'il s'agit d'un chemin bien court, jalonné de vains rêves. « Repentez-vous ! »
La gloire et la richesse et tous les autres acquis et privilèges périssables, que le pécheur aveuglé passe sa vie terrestre à entasser, toutes les forces de l'âme et du corps, il doit y renoncer au moment où, malgré soi, l'âme est dépouillée de son vêtement corporel, puis conduite par des anges implacables au jugement du Dieu de Justice, ce Dieu qu'elle ne connaît pas, parce qu'elle L'a dédaigné. « Repentez-vous ! »
Les hommes s'agitent, se hâtent d'acquérir des connaissances négligeables, éphémères, qui ne leur permettent que de satisfaire les besoins, les commodités et les fantaisies de la vie terrestre. La connaissance et l'œuvre véritablement nécessaires, pour lesquelles la vie terrestre nous a été léguée, c'est la connaissance de Dieu et la paix que nous établissons avec Lui par l'intermédiaire du Rédempteur. Or, ceci, nous le négligeons totalement. « Repentez-vous ! »
Frères ! Examinons objectivement notre vie terrestre, à la lumière de l'Évangile : elle est insignifiante. Tous les biens que nous possédons nous sont repris par la mort et, souvent même bien avant la mort, à la suite de circonstances inopinées. Ces biens périssables, qui disparaissent si vite, ne valent pas d'être appelés des biens ! Ce sont des leurres plutôt, ou des rets. Ceux qui s'y trouvent pris, ceux qui y sont empêtrés sont privés des véritables bien spirituels, de ces éternels biens célestes qu'apportent la foi en Christ et le fait de le suivre sur le chemin mystérieux de la vie évangélique. « Repentez-vous ! »
Quel terrible aveuglement que le nôtre ! Quelle preuve irréfutable de notre chute ! Nous voyons la mort frapper nos frères. Nous savons qu'elle nous attend, nous aussi, immanquablement, pour très bientôt, peut-être, tant il est vrai qu'aucun homme ne vit éternellement sur la terre. Nous voyons le bonheur d'ici-bas abandonner certains hommes avant même leur mort, nous le voyons souvent se transformer en malheur, avant-goût journalier de la mort. Malgré ce témoignage patent que nous recevons de notre propre expérience, nous ne briguons que les biens temporels, comme s'ils étaient éternels. Toute notre attention se porte vers eux. Dieu est oublié. Majestueuse et terrifiante, l'éternité est oubliée ! « Repentez-vous ! »
Frères, les biens périssables nous trahiront infailliblement : la richesse trahira les riches, la gloire les glorieux, la jeunesse les jeunes, la sagesse les sages. Tout au long de son errance sur la terre, l'homme ne peut acquérir qu'un seul bien, éternel, essentiel : la connaissance véritable de Dieu, la réconciliation et l'union avec Lui, celles que nous donne le Christ. Pour bénéficier de ces dons souverains, il faut se dépouiller de sa vie de péchés, il faut la haïr. « Repentez-vous ! »
« Repentez-vous ! » Qu'est-ce que se repentir ? Cela veut dire reconnaître, regretter ses péchés, les abandonner et n'y point revenir, selon la réponse donnée par un grand et saint Père de l'Église. De nombreux pécheurs devinrent ainsi des saints, de nombreux hors-la-loi des hommes justes.
« Repentez-vous ! » Bannissez non seulement les péchés manifestes, les meurtres, les pillages, l'adultère, la calomnie, le mensonge, mais aussi les distractions pernicieuses, les jouissances charnelles, les pensées iniques, absolument tout ce que défend l'Évangile. Lavez votre vie passée dans le péché par les larmes d'un repentir sincère.
Ne te dis pas, dans un moment d'acédie et d'affaiblissement de l'âme : « J'ai commis de grands péchés. Par une longue vie passée à pécher, j'ai contracté de coupables habitudes ; avec le temps, elles me sont devenues naturelles, elles rendent mon repentir impossible ». Ces sombres pensées, c'est ton ennemi qui te les souffle, car tu ne l'as pas encore décelé ni compris. Il connaît la puissance du repentir, il craint que le repentir ne te soustraie à son pouvoir, et il s'applique à t'en détourner, en faisant passer pour faible la toute-puissante médecine de Dieu.
Le repentir t'est prescrit par ton Créateur, Lui qui t'a créé à partir de rien. Il Lui est d'autant plus facile de te créer à nouveau, de changer ton cœur. D'un cœur qui aime le péché, Il peut faire un cœur qui aime Dieu, d'un cœur sensuel, charnel, mal intentionné, voluptueux, un cœur pur, spirituel, saint.
Frères ! Apprenons à connaître l'ineffable amour que Dieu porte à l'humanité déchue. Le Seigneur s'est incarné pour prendre sur Lui les supplices que les hommes méritent, et par le supplice du Très-Saint, racheter les coupables. Qu'est-ce qui l'a attiré à nous, ici sur cette terre, dans le pays de notre exil ? Sont-ce nos mérites ? Certes pas ! C'est notre état malheureux, où nous ont précipités nos péchés, qui L'a conduit à nous.
Pécheurs, reprenons courage ! C'est justement pour nous que Le Seigneur s'est fait homme. Il s'est chargé de nos maux avec une incroyable miséricorde. Cessons donc de tergiverser. Cessons de perdre courage et de douter. Emplis de foi, de zèle et de gratitude, abordons le repentir afin de nous réconcilier avec Dieu. « Quant au méchant, s'il renonce à tous les péchés qu'il a commis, observe toutes mes lois et pratique le droit et la justice, il vivra, il ne mourra pas. On ne se souviendra plus de tous les crimes qu'il a commis, il vivra à cause de la justice qu'il a pratiquée » (Ez 18, 21-22). Telle est la promesse que Dieu fait au pécheur, par la bouche de Son grand prophète.
Adressons à l'amour que le Seigneur manifeste pour nous une réponse à la mesure de nos forces imparfaites, une réponse dont nous soyons capables, créatures déchues : repentons-nous ! Mais ne nous contentons pas uniquement de paroles. Ne témoignons pas seulement de notre repentir par quelques brèves larmes, par une participation tout extérieure aux offices divins, en accomplissant les rites dont se contentaient aussi les pharisiens. En plus de nos larmes et de notre piété apparente, cultivons les dignes fruits du repentir : transformons notre vie coupable en une vie évangélique.
« Pourquoi mourir, maison d'Israël ? » (Ez 18, 31). Pourquoi la mort éternelle est-elle, chrétiens, la rançon de vos péchés ? Comment se fait-il que vous emplissiez l'enfer, comme si le repentir tout-puissant n'existait pas dans l'Église du Christ ? Ce don infiniment bon a été accordé à la maison d'Israël, c'est-à-dire aux chrétiens : à n'importe quel moment de la vie, quels que soient les fautes, il agit avec une force égale : il lave tout péché, sauve quiconque a recours à Dieu, fût-ce au dernier période de la vie.
« Pourquoi mourir, maison d'Israël ? » Les chrétiens subissent une mort éternelle parce qu'ils ne cessent, tout au long de leur vie terrestre, de transgresser les promesses qu'ils ont faites lors du saint baptême, ils ne cessent de servir le péché. Ils périssent parce qu'ils n'accordent aucune attention à la Parole de Dieu qui leur parle du repentir. Dans les derniers instants qui précèdent la mort, ils ne savent pas profiter de la toute-puissante force du repentir. Ils sont incapables d'en profiter parce qu'ils ne savent rien du christianisme, ou parce qu'ils en savent si peu et d'une manière si confuse, qu'une telle connaissance pourrait aussi bien être appelée ignorance.
« Par ma vie » , dit le Seigneur pour renforcer l'assurance des croyants face aux mécréants et gagner l'attention des inattentifs : « Par ma vie, oracle du Seigneur, je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie » (Ez 33, 11) « Pourquoi mourir, maison d'Israël ? »
Dieu sait combien les hommes sont faibles, Il sait qu'après leur baptême, ils continuent de commettre des transgressions. Il instaura donc dans Son Église le sacrement du repentir qui purifie les péchés commis après le baptême. Le repentir doit accompagner la foi en Christ, il doit précéder le baptême en Christ. Après le baptême, il rédime la transgression des obligations de celui qui croit en Christ et qui a été baptisé en Lui.
Quand de nombreux Hiérosolymites et des habitants de toute la Judée se rassemblaient sur les rives du Jourdain, auprès de Jean, prédicateur du repentir, pour être baptisés par lui, ils lui confessaient leurs péchés. Ils les confessaient, remarque un saint Écrivain , non que saint Jean le Baptiste eût besoin de connaître les péchés de ceux qui venaient, mais pour que le repentir persistât : il fallait unir la confession des péchés au regret d'y être tombé.
L'âme qui se sait obligée de confesser ses péchés, dit le même saint Père, est retenue, comme par un frein, de commettre à nouveau les mêmes péchés ; au contraire, nous commettons sans crainte les péchés que nous n'avons pas confessés, car nous demeurons dans les ténèbres .
La confession des péchés détruit l'intimitié que nous avions avec eux. La haine que nous leur témoignons est l'indice du véritable repentir, de la décision de mener une vie vertueuse.
Si tu t'es accoutumé aux péchés, confesse-les plus souvent, et tu seras bientôt délivré de leur domination, tu suivras avec facilité et allégresse le Seigneur Jésus-Christ.
L'homme qui trompe continuellement ses amis voit ceux-ci devenir ses ennemis, et se détourner de lui, comme d'un traître qui cause leur perte. De même, les péchés s'éloignent de l'homme qui les confesse, parce qu'ils trouvent leur fondement et puisent leur force dans l'orgueil de la nature déchue et parce qu'ils ne tolèrent ni la dénonciation ni la honte.
L'homme qui pèche de son gré, tout exprès, dans l'espoir du repentir, agit sournoisement envers Dieu. La mort frappe sans crier gare celui qui se livre à des péchés volontaires et prémédités, espérant ensuite pouvoir se repentir, car le temps sur lequel il comptait pour se consacrer aux vertus ne lui est pas donné .
Le sacrement de la confession absout résolument tous les péchés commis en parole, en acte ou en pensée. Pour effacer du cœur la propension au péché qui y est enracinée, il faut du temps, il faut demeurer continuellement dans le repentir. Un repentir constant réside dans un esprit contrit en permanence, dans la lutte contre ses pensées (logismoi) et ses sentiments, par lesquels se manifestent les passions tapies dans le cœur. Il consiste également en la répression des sentiments charnels et de ceux du ventre, en une prière humble, une confession fréquente.
Frères ! Nous avons délibérément perdu la sainte pureté, étrangère non seulement à tout acte coupable, mais à la connaissance même du mal, cette pureté, cette lumière spirituelle, où les mains du Créateur nous ont fait naître. Mais nous avons également perdu la pureté qui nous fut donnée lorsque nous avons été recréés par le baptême. Sur le chemin de la vie, à cause de nos péchés, nous avons tachés nos vêtements que le Rédempteur avait blanchis. Il nous reste encore un peu d'eau pour nous laver : les larmes du repentir. Qu'adviendra-t-il de nous, si nous dédaignons encore cette absolution ? Nous nous présenterons devant Dieu, avec des âmes défigurées par le péché. Il jettera alors sur notre âme souillée un regard sévère et la condamnera au feu de la géhenne.
« Lavez-vous », dit Dieu aux pécheurs, « purifiez-vous ! Ôtez de Ma vue vos actions perverses ! Cessez de faire le mal. Allons ! Discutons ! » (Is 1, 16 et 18). Quel est donc le jugement de Dieu, ce jugement de repentir auquel Dieu appelle sans cesse le pécheur durant sa vie terrestre ? Lorsque l'homme reconnaît ses péchés, lorsqu'il se décide à se repentir sincèrement et qu'il s'amende, Dieu le juge ainsi : « Quand vos péchés seraient comme l'écarlate, comme neige ils blanchiront ; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront » (Is 1, 18). Mais si le chrétien méprise le repentir, cet appel divin plein de miséricorde, alors Dieu le condamnera sans appel à la perdition. « Cette bonté de Dieu », dit l'Apôtre, « te pousse au repentir » (Rm 2, 4). Dieu voit les péchés que tu commets sous Ses yeux, la ribambelle de péchés dont ta vie tout entière est faite. Il attend ton repentir et te laisse libre, dans le même temps, de choisir entre ton salut et ta perdition. Tu abuses pourtant de Sa bonté et de Sa longanimité ! Tu ne t'amendes pas ! Ta négligence s'accroît ! Le mépris que tu témoignes pour Dieu et pour ta propre éternité grandit en toi ! Tu ne t'occupes que de multiplier tes péchés, aux péchés précédents tu en ajoutes de nouveaux, plus grands encore ! « Par ton endurcissement et l'impénitence de ton cœur, tu amasses contre toi un trésor de colère, au jour de la colère où se révélera le juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres : à ceux qui par la constance dans le bien recherchent gloire, honneur et incorruptibilité, la vie éternelle ; aux autres, âmes rebelles, indociles à la vérité et dociles à l'injustice, la colère et l'indignation. Tribulation et angoisse à toute âme humaine qui s'adonne au mal » (Rm 2, 5-9). Amen