mercredi 3 décembre 2008

LES OEUVRES DE MISERICORDE ENVERS LE CHRIST


Saint Syméon le Nouveau Théologien
(Sources Chrétiennes - Catéchèses, tome II, n° 9).

Frères et sœurs, nous devons être sur nos gardes et veiller sur nous-mêmes, petits et grands ; car il faut se montrer par notre propre conduite agréables à Dieu en toute œuvre bonne ; petits, à être soumis aux grands à cause du Seigneur et, grands, disposés envers les petits comme envers de véritables enfants à cause du commandement du Seigneur qui dit : « Tout ce que vous avez fait à l’un quelconque de ces tout petits, c’est à Moi que vous l’avez fait » (Matt.25/40). Ce n’est pas seulement pour les indigents, comme d’aucuns le croient, et pour ceux à qui manque la nourriture du corps, que le Seigneur a dit cela, mais encore pour tous nos autres frères que consume non pas la disette de pain et d’eau, mais la disette de l’inertie et de la désobéissance aux commandements du Seigneur. Car autant l’âme est plus précieuse que le corps, autant la nourriture spirituelle se révèle plus nécessaire que la nourriture corporelle ; et c’est même d’elle, je pense, que le Seigneur dit : « J’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger, j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire » (Matt. 25, 42), pour elle et non pour la nourriture périssable du corps. Car c’est une soif véritable qu’Il éprouve pour le salut de chacun d’entre nous, une soif et une faim ; or, notre salut consiste à nous abstenir de tout péché ; mais cette abstention de tout péché, en dehors de la pratique des vertus et de l’accomplissement de tous les commandements, c’est un idéal irréalisable, puisque c’est par l’accomplissement des commandements que, normalement, se nourrit en nous notre Maître et Dieu, le Seigneur de l’univers. Car, selon ce que disent nos Pères saints, de même que nos mauvaises actions nourrissent et fortifient les démons contre nous, mais que, si nous renonçons au mal, ils souffrent d’inanition et perdent toute vigueur, de même aussi, à ce que je pense, Celui qui s’est appauvri pour notre salut trouve chez nous sa nourriture ou au contraire est délaissé, réduit à la disette.
Je vais prendre l’exemple d’une sainte pour enseigner votre charité. Je sais que vous lisez la vie de sainte Marie l’Égyptienne, non point racontée par quelqu’un d’autre mais par elle-même, l’angélique créature, qui, comme par manière d’aveu, nous fait connaître sa pauvreté par ces mots : « Même quand, bien souvent, des hommes m’offraient le prix du péché, je ne le prenais pas. Ce que je faisais, dit-elle, non que j’eusse assez de ressources pour mes besoins – car je devais filer l’étoupe pour me nourrir –, mais pour avoir beaucoup d’amants à la disposition de mes désirs ». Et comme elle allait s’embarquer pour gagner Alexandrie, elle était réduite à ce degré de pauvreté de ne posséder ni le prix du voyage ni le montant de ses frais. Mais, lorsqu’après son voeu à l’Immaculée Mère de Dieu elle partit pour le désert, avec deux pièces qu’elle avait reçues de quelqu’un, elle acheta des pains, et c’est avec cela qu’elle passa le Jourdain et tint bon dans le désert, faisant pénitence jusqu’à son trépas, sans avoir vu âme qui vive, en dehors de Zosime, et encore moins donné à manger à un pauvre affamé ou à boire à un altéré, vêtu un nu, visité les prisonniers ou recueilli les étrangers.
Comment, dis-moi, dans ces conditions, sera-t-elle sauvée, et entrera-t-elle avec les miséricordieux dans le Royaume des Cieux, elle qui n’a ni abandonné la richesse, ni donné ses biens aux pauvres, ni jamais fait aucune œuvre de miséricorde, mais s’est bien plutôt montrée, pour des milliers d’autres, cause de perdition ?
Vois-tu le résultat, si nous voulons prétendre que les œuvres de miséricorde faites avec les richesses et la nourriture corporelle sont notre seul moyen de nourrir le Seigneur, si elles doivent être pour ceux-là seuls qui l’auront ainsi nourri, désaltéré, en un mot soigné, la condition du salut, et si faute de cela on est perdu, à quelle absurdité nous aboutirons !
Car les biens et les possessions dans le monde sont communs à tous, de même que la lumière et cet air que nous respirons, comme aussi la pâture des animaux sans raison dans les plaines et les montagnes. Toutes choses ont donc été constituées communes à tous seulement pour en user et en jouir, mais quand à la propriété, elles ne sont à personne.
Mais comment de notre côté, en exerçant la miséricorde envers nous-mêmes, sommes-nous censés l’exercer envers Celui qui pour nous est devenu comme nous ? Réfléchis bien, je t’en prie, à ce que je dis. Pour toi, Dieu est devenu homme et pauvre ; tu dois aussi devenir en retour, toi qui crois en Lui, de même que Lui, pauvre. Pauvre Il l’est selon l’humanité, pauvre toi aussi selon la divinité. Vois un peu, maintenant, comment tu le nourriras, regardes-y de près. Il s’est appauvri pour que tu t’enrichisses, pour te faire part de la richesse de Sa grâce : c’est pour cela qu’Il a pris chair, afin que tu eusses part à Sa divinité. Lors donc que tu te disposes toi-même en vue de l’accueillir, alors on dit qu’Il va être accueilli par toi. Lorsqu’à cause de Lui tu as faim et soif, cela compte pour Lui comme une nourriture et une boisson. Comment cela ? Parce que, par ces œuvres et actions, et autres semblables, tu purifies ton âme et tu t’affranchis de la disette et de la crasse des passions : et celui qui t’a ainsi recueilli et s’est appliqué à Lui-Même tout ce qui se rapporte à toi, le Dieu qui désire te faire dieu, de même que Lui est devenu homme, tout ce que tu fais envers toi-même, Il le compte comme fait à Lui et Il te dit : « Tout ce que tu fais à cette toute petite, ton âme, c’est à Moi que tu l’as fait. »
Par quelle sorte d’œuvres, en effet, ceux qui ont vécu dans les cavernes et les montagnes ont-ils plu à Dieu ? Par nulle autre, à coup sûr, que la charité, la pénitence et la foi, – car abandonnant le monde entier pour Le suivre Lui Seul, c’est par la pénitence et les larmes qu’ils L’ont reçu et hébergé, qu’ils ont nourri Sa faim et désaltéré sa soif – ceux-là se sont empressés de s’habiller ainsi du Christ, c’est Lui-Même, c’est le Christ qu’ils habillent : car ils sont des Christ eux aussi, en tant que fils de Dieu depuis le divin baptême. Mais si, au lieu d’agir ainsi, ils habillent tous ceux qui sont nus dans le monde, mais sans sortir de leur propre nudité, qu’y ont-ils gagné ?
Autre chose : frères du Christ, c’est le Nom, qu’une fois baptisés au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, nous portons ; bien plus, nous sommes même Ses membres. Ayant donc la réalité de frère et de membre du Christ, si tu donnes à tous les autres honneur, hospitalité et soins, mais que tu te négliges toi-même et, au lieu de lutter par tous les moyens pour arriver au sommet de la vie et de l’honneur selon Dieu, si tu abandonnes à la famine de la nonchalance, ou à la soif de la paresse, ou à l’étroite prison de ce corps immonde, du fait de la gourmandise et de l’amour des plaisirs, ton âme gisant dans la crasse et l’ordure au fin fond de l’obscurité, comme une morte, – n’as-tu pas outragé le frère du Christ ? N’est-ce pas Lui que tu as délaissé dans Sa faim et Sa soif ? Ne L’as-tu pas laissé sans visite dans Sa prison ? Il n’en faudra pas plus pour que tu t’entendes dire : « Tu n’as pas eu pitié de toi, tu ne trouveras pas de pitié ».
Mais si quelqu’un dit : « Puisque c’est comme cela, et que nous n’avons pas de récompense pour les biens et la fortune que nous donnons, quel besoin de donner quelque chose aux pauvres ? ». Qu’il écoute Celui qui doit le juger et rendre à chacun selon ses œuvres, comme s’Il lui disait : « Insensé, qu’as-tu apporté en ce monde ou qu’y a-t-il dans les choses visibles que tu aies fait toi-même ? N’es-tu pas sorti nu du sein de ta mère, et ne dois-tu pas sortir nu de cette vie et comparaître dépouillé devant mon tribunal ? Quelle est donc cette fortune à toi, pour laquelle tu me réclames une compensation ? Quels sont donc ces biens à toi avec lesquels tu dis pratiquer la miséricorde envers tes frères et, à travers eux, envers Moi, Moi qui ai fourni tout cela, non à toi seul mais à tous en commun ? Ou bien t’imagines-tu que j’ai envie de quelque chose et penses-tu que je me laisse acheter Moi aussi comme le plus cupide des juges terrestres ? Tu pourrais bien, dans ta folie, avoir fait ce calcul... Non, ce n’est pas pour l’envie que j’aurais d’aucune richesse, mais par pitié pour vous, ce n’est pas dans le désir de prendre vos biens, mais dans la volonté de vous délivrer du jugement à leur sujet, que je vous donne ces prescriptions, pour cela et pour nulle autre raison ».
Oui, ne va pas croire, frère, que Dieu est dans l’embarras, qu’Il n’a pas de quoi nourrir les pauvres et que c’est la raison pour laquelle Il nous prescrit de pratiquer envers eux la miséricorde, et d’attacher une telle importance à ce commandement. Jamais de la vie !
Le diable nous avait suggéré de nous approprier ce qui avait été mis à notre disposition pour les besoins de tous et de le thésauriser, en vue de nous faire tomber, pour cette cupidité, sous un double chef d’accusation, et de nous rendre justiciables de l’éternel châtiment et condamnation : le premier, de manquer de miséricorde, le second, de placer notre espoir dans les richesses mises de côté et non en Dieu. Car celui qui a ses richesses de côté ne peut pas espérer en Dieu, comme il ressort de ce que nous a dit le Christ notre Dieu : « Là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur ». Celui-là donc qui fait profiter tout le monde de ses richesses qu’il a mises de côté n’a pas pour autant droit à une récompense, au contraire il est coupable pour en avoir jusqu’à présent injustement privé les autres, et plus que cela, responsable de tous ceux à qui entre-temps la faim ou la soif ont fait perdre la vie, de tous ceux qu’à ce moment il pouvait nourrir et n’a pas nourris, ayant enfoui la part des pauvres et les ayant laissé périr cruellement de faim et de froid, lui qui s’est montré autant de fois meurtrier qu’il aurait pu nourrir d’hommes.

Donner ses biens, c’est libérer son cœur

Une fois qu’Il nous a ainsi acquittés sur tous ces chefs d’accusation, le Maître Bon et Compatissant ne nous regarde plus comme détenteurs du bien d’autrui, mais du nôtre propre, et c’est, non pas le décuple, mais le centuple qu’Il promet de nous donner, si nous le distribuons avec joie à nos frères ; et la joie c’est de ne pas regarder tout cela comme notre bien propre, mais comme des biens que Dieu nous a confiés pour en faire profiter nos compagnons de service ; c’est de répandre ses biens sans compter, avec allégresse et générosité, non avec chagrin ou par contrainte, et c’est aussi bien que nous vidions allégrement nos réserves, dans l’espérance de la promesse véridique que Dieu nous a faite de nous en récompenser au centuple. Dieu savait en effet que nous sommes tous tout entiers possédés par l’envie de la fortune et la folie de la richesse, et avec quelle ténacité nous y sommes attachés, au point que ceux qui, de quelque façon que ce soit, s’en trouvent privés perdent jusqu’au goût de vivre, et Il a usé du remède approprié en nous promettant, je le répète, de nous récompenser au centuple de ce que nous dépensons pour les pauvres, afin de nous décharger d’abord sur ce chapitre du grief de cupidité, et qu’ensuite nous cessions d’y mettre notre confiance et notre espoir et voyions nos cœurs libérés de pareils liens ; et afin qu’une fois devenus libres, nous marchions alors sans obstacles à la mise en œuvre de Ses commandements et Le servions dans la crainte et le tremblement, non comme si nous Lui faisions quelque faveur, mais, par le fait même de ce service, comme bénéficiaires de Sa bonté. Autrement, impossible de nous sauver. Car les riches ont reçu l’ordre d’effectuer d’abord l’abandon de leur fortune, comme d’une sorte de fardeau et d’entrave à une vie selon Dieu, avant de prendre la Croix sur leurs épaules et de suivre les traces du Maître : en effet, nous charger des deux à la fois, c’est absolument impossible. Quant à ceux qui sont en dehors de ce cas, vivant dans une condition moyenne ou même privés du nécessaire, ils n’ont rien qui les entrave, s’ils veulent marcher par la voie étroite et resserrée : mais les uns n’ont pour cela besoin à cet égard que de l’intention, les autres cheminent sur la voie elle-même, aussi doivent-ils vivre dans la patience et l’action de grâce. Et Dieu, qui est Juste, à ceux qui se dirigent de la sorte vers la vie et la jouissance éternelle, préparera un lieu de repos.

Après la distribution des biens, la croix à porter

Mais, quant à donner tous ses biens et ses richesses, sans cependant soutenir vaillamment l’assaut des épreuves et de toute sorte de tribulations, cela me paraît d’une âme lâche, qui ignore à quelle fin cela peut lui servir. Car, de même que l’or rouillé en profondeur ne peut être purifié pour de bon et reprendre son éclat naturel qu’en étant jeté au feu et martelé de façon répétée, de même l’âme rouillée par la rouille du péché et abîmée en profondeur ne peut être purifiée et retrouver son ancienne beauté qu’en affrontant mainte épreuve et en passant au creuset des tribulations. C’est en effet ce que nous fait voir la parole même du Seigneur par cette expression : « Vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, prends ta croix, viens et suis-Moi », en désignant par la croix les épreuves et les tribulations.
Puisqu’en effet le Royaume des cieux souffre violence et que les violents s’en emparent, puisqu’il n’est pas pour les fidèles un autre moyen d’y entrer que la porte étroite des épreuves et des tribulations, c’est à bon droit que l’oracle divin nous prescrit : « Luttez pour entrer par la porte étroite » (Luc 13, 24), et encore : « Par votre patience, gagnez vos âmes ! » (Luc, 21, 19), et : « Il vous faut passer par beaucoup de tribulations pour entrer au Royaume des cieux ». Celui donc qui distribue ses biens à ceux qui sont dans le besoin et qui se retire des affaires du monde dans l’espoir de la récompense, charge sa conscience du plaisir qu’il y prend, et quelquefois est frustré de sa récompense par la vanité. Mais celui qui montre de la patience dans les ennuis, rendant grâce en son âme et tenant bon dans les difficultés, s’il ressent toute l’amertume et la peine des souffrances, au moins pour le présent en gardant indemne sa pensée, dans l’avenir sa rétribution sera grande pour avoir imité les souffrances du Christ et patienté en l’attendant, aux jours où l’assaillaient épreuves et tribulations.
C’est pourquoi je vous en prie, mes frères dans le Christ, empressons-nous selon la parole du Seigneur Dieu notre Sauveur, Jésus Christ, puisque nous avons dit adieu au monde et aux choses du monde, d’entrer par la porte étroite, qui consiste à retrancher et à fuir notre mentalité et notre volonté charnelle. Car à moins d’être des morts à la chair, à ses désirs et à ses volontés, il n’est pas possible d’obtenir la relâche, l’affranchissement de nos maux et la liberté qui naît pour nous de la consolation du Saint Esprit. Et, en dehors de là – je veux dire, de la venue de l’Esprit –, nul ne verra le Seigneur, ni dans le siècle présent ni dans le siècle à venir. Que tu aies certes bien fait, en distribuant tous tes biens à ceux qui sont dans le besoin – à condition que tu ne t’en sois pas réservé comme fit le fameux Ananie (Act. 5, 1-5) –, qu’en plus tu aies renoncé au monde et aux choses du monde, que tu aies fui la vie et ses soucis pour accourir au port de la Vie, portant sur toi la ressemblance de la piété, je suis d’accord et je te loue de ce parti. Mais c’est maintenant la mentalité de la chair que tu dois à son tour dépouiller, comme naguère tes vêtements, pour acquérir, conformément à la tunique que tu as revêtue pour le Christ, des attitudes d’âme et jusqu’à une mentalité spirituelle ; bien plus, pour revêtir par-dessus, grâce à la pénitence, le manteau de lumière qui n’est autre que l’Esprit Saint : ce qui se réalise uniquement par la pratique persévérante des vertus et la patience dans les tribulations. Car l’âme en proie aux tribulations et aux épreuves est incitée aux larmes ; les larmes, purifiant le cœur, en font le temple et la demeure du Saint Esprit : car il ne nous suffit pas, pour être sauvés et devenir parfaits, de porter simplement sur nous l’Habit et d’orner extérieurement la statue ; mais, aussi bien que l’extérieur, c’est l’homme intérieur en nous que nous devons orner de toute la parure de l’Esprit, en nous sacrifiant à Dieu sans réserve, âme et corps. Que la piété de l’Esprit apprenne à notre âme à penser comme elle doit penser et à méditer toujours ce qui regarde la vie éternelle, à être humble, douce, pleine de contrition, de componction, s’affligeant chaque jour et priant pour appeler à elle la lumière, la lumière de l’Esprit : toutes choses qui surviennent normalement en elle au prix d’un repentir brûlant, lorsqu’elle se nettoie à force de larmes, ces larmes sans qui jamais son manteau ne saurait être nettoyé, ni elle-même s’élever au sommet de la contemplation. En effet, un habit a-t-il ramassé quelque part de la boue ou du fumier qui l’ait taché dans l’épaisseur, pas moyen de le nettoyer, sinon à grande eau et à force de le battre en le piétinant : de même le manteau de l’âme, souillé par la boue et le fumier des passions peccamineuses, ne peut être décrassé, sinon à force de larmes et de patience dans les épreuves et les abattements. Aussi ceux qui ont souillé leur âme par l’action peccamineuse qu’est le péché et par le mouvement passionnel du cœur, en imprimant en eux-mêmes les images des convoitises irrationnelles, doivent-ils se nettoyer à force de larmes et rendre au manteau de leur âme sa parfaite pureté. Autrement, en effet, quant à voir Dieu, Lui la lumière qui illumine le cœur de tout homme venant à Lui par le repentir, pas moyen, puisque ce sont les cœurs purs qui voient Dieu (Matt. 5, 8).
Efforçons-nous donc, je vous en prie, mes pères et frères et enfants, de trouver la pureté du cœur par la vigilance sur nos façons de faire et par la confession continuelle des pensées secrètes de notre âme. Car la confession que nous faisons assidûment, quotidiennement, pour les pensées de cette sorte, jaillie des regrets du cœur, nous procure le repentir de ce que nous avons fait ou seulement médité ; le repentir fait jaillir les larmes des profondeurs de l’âme : les larmes purifient le cœur et font disparaître les plus grands péchés ; ceux-ci effacés par les larmes, l’âme se trouve dans la consolation de l’Esprit Divin, est arrosée par les courants de la suave componction et par eux, chaque jour, fertilisée au sens spirituel du terme, elle nourrit les fruits de l’Esprit qu’au moment de la récolte, tel un froment gonflé de sève, elle produit comme une nourriture inépuisable pour l’âme et pour sa vie incorruptible et éternelle. Lorsqu’un beau zèle l’a mise en cet état, elle est la familière de Dieu et devient la maison de la Divine Trinité et son séjour, voyant purement son propre Créateur et Dieu et conversant avec Lui chaque jour, elle sort de son corps et du monde et de cette atmosphère, et, s’élevant aux cieux des cieux, rendue légère par les vertus et par les ailes de l’amour de Dieu, elle trouve avec tous les justes le repos de ses peines, dans l’infini de la divine lumière, où les troupes des Apôtres du Christ, des martyrs, des bienheureux et de toutes les vertus d’en haut mêlent leurs choeurs.
Qu’un tel état devienne aussi le nôtre, frères dans le Christ, pour que nous ne restions pas en arrière de nos Pères Saints, mais que notre zèle pour le bien et la pratique des commandements du Christ nous permettent d’arriver à l’homme parfait, à la mesure de la taille de la plénitude du Christ (Éph.4,13) : rien ne nous en empêche, pour peu que nous le voulions. De la sorte, en effet, et nous glorifions Dieu en nous-mêmes, et Dieu se réjouira grâce à nous, et nous trouverons Dieu au sortir de la vie présente, ce vaste sein d’Abraham qui nous accueille et qui nous réchauffe dans le Royaume des Cieux : puissions-nous tous l’atteindre, par la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, à Lui la gloire dans les siècles. Amen.

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