lundi 1 décembre 2008

HISTOIRE DE L'ICÔNE NOTRE DAME DE VLADIMIR



Ce trésor sacré et miraculeux, ce joyau de la terre russe, l'icône de la Mère de Dieu de Vladimir, se trouvait avant la révolution de 1917 dans la cathédrale de la Dormition, au Kremlin de Moscou. La Tradition rapporte qu'elle fut peinte par l'Apôtre Luc du vivant de la Mère de Dieu. Une fois l'icône terminée, l'Évangéliste présenta son œuvre à la Vierge-Mère qui l'examina et la bénit en disant : « Que la grâce de Celui qui est né de moi et la mienne soient avec elle ! ». L'icône demeura à Jérusalem jusqu'en l'an 450 puis elle fut transportée à Constantinople, sous le règne de Théodose le Jeune. Elle y serait restée jusqu'au xiie siècle. C'est à partir de cette époque que l'histoire nous a laissé des documents la concernant.
Les premiers renseignements datent du début du xiie siècle. Les anciennes chroniques mentionnent son arrivée par bateau à Kiev en 1131. Elle aurait pris place dans le monastère féminin de Vichgorod. Bien entendu, on ne lui donnait pas encore à cette époque le nom de Vladimirskaïa. En 1155, on la trouve, toujours d'après les chroniques, chez le prince André Bogolioubsky.
Celui-ci désirait transférer le centre politique du pays de Kiev à Souzdal. Cherchant la protection de la Mère de Dieu pour cette entreprise, il souhaitait posséder son icône miraculeuse. On lui indiqua le monastère de Vichgorod. « Lorsque le prince voulut régner sur les terres de Rostov, il se mit à parler d'icônes et on le dirigea vers l'icône de notre Toute Sainte Souveraine, la Mère de Dieu, au monastère de Vichgorod...Il se rendit à l'église et commença à examiner les icônes. Cette icône surpassait toutes les autres. L'ayant vue, il tomba à terre et pria en disant : Ô Toute Sainte Mère de notre Dieu, si seulement Tu voulais être ma protectrice sur les terres de Rostov, et visiter les hommes nouvellement instruits, afin que tout soit fait selon Ta volonté ! Il prit alors l'icône et se rendit sur les terres de Rostov » (Klioutchevsky, Récit concernant les miracles de l'icône de Vladimir, Saint-Pétersbourg, 1878).
Est-ce André Bogolioubsky qui choisit l'icône comme protectrice, ou bien la Mère de Dieu le choisit-il pour accomplir le dessein de la divine providence concernant notre pays ? Toujours est-il que, lorsqu'en secret, « sans l'assentiment de son père », il quitta Kiev pour Rostov en 1155, « en désirant être prince de la terre de Rostov », la Mère de Dieu refusa d'aller plus loin quand le convoi passa près de la ville de Vladimir. Les chevaux qui tiraient le chariot portant l'icône s'arrêtèrent. Ni les incitations répétées, ni les coups n'y faisaient rien : ils partaient dans tous les sens, se cabraient, menaçaient de tomber, et n'avançaient pas. On en mit d'autres à la place, mais sans plus de résultat. Les bêtes souffraient et les hommes aussi. Dans le convoi, seul le chariot portant l'icône demeurait obstinément au même endroit. La caravane dut s'arrêter pour la nuit.
Le prince André pria longuement l'icône afin qu’elle lui révélât le sens de ces événements. À l'approche de l'aube, la Souveraine lui manifesta Sa volonté : Son icône devait rester à Vladimir. C'est ainsi que le prince André décida de demeurer lui aussi à Vladimir, modifiant ses aspirations politiques. L'ancien Rostov fut remplacé par le jeune Vladimir. La Reine des Cieux indiqua donc elle-même le nouveau centre politique de l'époque.
L'icône de Vladimir ne revêt pas seulement pour nous une importance religieuse : elle occupe aussi une place de premier plan dans l'histoire de l'État. Sa position dans l'ancienne Russie est en effet exceptionnelle : les chroniques témoignent du fait que tous, le petit peuple, les puissants et, a fortiori, les membres du clergé, la considéraient comme la protectrice de l'État et de l'Église. Les écrits des siècles passés, chroniques, écrits privés ou articles savants surveillaient avec attention le destin de l'icône. Chacun de ses déplacements était regardé comme un déplacement de la Mère de Dieu elle-même, et tout événement important de l'histoire du pays était expliqué par son influence. Quand Moscou devint le centre politique de la Russie, l'icône de la Mère de Dieu y fut transférée pour occuper une position centrale, tant dans la vie de l'Église que dans les affaires de l'état.
Au cours des huit siècles que l'icône a passé sur la terre russe, un nombre incalculable de miracles, petits ou grands, eurent lieu par son intercession. Comme si la Toute-Pure elle-même regardait par son icône dans le cœur de ceux qui l'approchaient. Les premiers miracles connus concernent la vie d'André Bogolioubsky. Lorsqu'il entreprit avec l'icône le chemin menant de Kiev à Souzdal, il dut s'arrêter un jour à cause de la crue d'un affluent de la Volga. Il dépêcha un homme pour trouver un gué : l’homme et son cheval furent emportés par le courant et disparurent sous les eaux. Voyant cela, le prince se mit à prier la Mère de Dieu demandant le salut pour cet homme qui allait périr à cause de lui : à l'instant même, le cheval put prendre appui sur le fond et, au prix d'un grand effort, regagner la rive avec son cavalier.
Un autre miracle eut lieu au cours de ce même voyage. Le prince était accompagné du prêtre Mikula et de sa femme enceinte qui se trouvait dans un autre chariot avec sa bru. Un petit ruisseau étant en vue, elle demanda à descendre pour le traverser à pied. Alors le cheval s'emballa, renversa le chariot et, dans l'affolement, piétina le cocher et la femme enceinte, qui s'était empêtrée dans sa jupe sans plus pouvoir se dégager. Assistant de loin à l'événement, le prêtre se jeta devant l'icône et implora la Mère de Dieu afin qu’elle daignât sauver sa femme et l’enfant. Le cheval se dégagea à la minute même et se sauva. La femme se releva indemne, seuls ses vêtements étaient en lambeaux.
Obéissant à la volonté de la Mère de Dieu, le prince André Bogolioubsky s'arrêta à Vladimir et entreprit immédiatement la construction d'une église. On creusa les fondations en 1158. La magnifique cathédrale aux coupoles dorées consacrée à la Dormition fut terminée en 1161. Le prince utilisa plus de dix livres d'or, de l’argent, des pierres précieuses et des perles pour orner l'icône qu'il installa dans la cathédrale de Vladimir. Ce revêtement était à l'image de ce qu'on faisait à Byzance à l'époque. C'est à ce moment-là que cette icône de notre Souveraine, la Toute-Sainte Mère de Dieu, reçut le nom de Vladimirskaïa. Dans cette église qui lui avait été consacrée, la Mère de Dieu continuait à déverser grâce et secours sur ceux qui avaient recours à Elle avec l'élan de la foi et du cœur.
C'est ainsi qu'un jour, un homme atteint d'une forte fièvre entra dans la cathédrale de Vladimir pour prier devant l'icône. À la fin de l'office, il perdit connaissance. On le porta sur le parvis. Quand il eut retrouvé ses esprits, il raconta que la Mère de Dieu était venue vers lui de là où Elle se tenait. Pendant la liturgie qui suivit, il pria de nouveau devant l'icône et, voulant l'embrasser, il tendit vers elle son bras malade. Alors, en présence du prince André, du prêtre Nestor et des fidèles, la Mère de Dieu prit sa main et la tint durant tout l'office. Il fut totalement guéri. Le père Nestor organisa une procession pour fêter le miracle et la guérison du malade, puis le prince André et les boyards prirent congé du miraculé en lui offrant des cadeaux.
Un autre miracle concerna le prince André lui-même. On lisait le canon à la Toute-Sainte Mère de Dieu un jour où l'on fêtait sa Dormition. Le prince participait aux chants en souffrant dans son âme pour sa femme enceinte et malade. Après le canon, on plongea l'icône dans un récipient remplit d'eau qui fut ensuite porté à la princesse. Elle en but et donna naissance à un enfant parfaitement sain, recouvrant elle-même la santé.
Il va de soi que le prince André Bogolioubsky, qui manifestait une profonde vénération pour la Reine des Cieux, n'entreprenait jamais rien d'important sans avoir prié la Mère de Dieu devant son icône. C'est ainsi qu'en 1164, il partit en campagne contre les Bulgares de la Volga avec une croix et l'icône de la Toute-Sainte Mère de Dieu. Avant le combat, le prince se confessa, communia et pria devant l'icône. Les personnes présentes purent l'entendre dire : « Quiconque a foi en Toi, Ô Souveraine, ne périra pas ». La victoire fut acquise sans délai. On célébra un office solennel d'action de grâces devant l'icône et la croix, sur le lieu même où les bulgares avaient été défaits. Un miracle eut lieu à ce moment-là : devant l'armée au grand complet, la croix et l'icône émirent une intense lumière qui éclaira tous les environs. Tous tombèrent à genoux et glorifièrent Dieu. Le même jour, à la même heure, mais très loin de là, l'empereur byzantin Manuel doutait de l'issue d'une bataille qu'il devait entreprendre contre les Sarrasins. Il se mit à prier devant une croix et l'icône de la Mère de Dieu dite « de Silouane ». De la même façon, la croix et l'icône se mirent à briller fortement, éclairant les environs. L'empereur se réjouit de ce signe et mena sa petite armée au combat, infligeant à l'adversaire une cuisante défaite. Par la suite, André Bogolioubsky étant entré en rapport avec Constantinople, la similitude des deux miracles fut mise en évidence. L'empereur Manuel, le patriarche Luc et André Bogolioubsky décidèrent d'un commun accord d'instaurer une fête le 1er août, en souvenir de l’événement. La fête honorait ainsi le Christ Sauveur, notre Dieu miséricordieux, et Sa Mère, la Toute-Sainte Marie. On suppose que cela eut lieu en 1168.
Il est probable que le prince André instaura à peu près à la même époque la fête de la Protection de la Toute-Sainte Mère de Dieu (1er octobre). Il existe en effet à Novgorod depuis le début du xiie siècle un monastère dédié à cette fête. Près de Vladimir, sur la rivière Nerl, une église très célèbre pour son architecture lui fut également consacrée à cette époque.
Petit à petit, le prince André se laissa griser par le pouvoir et la grandeur de sa principauté. Il passait son temps dans des campagnes militaires, des affrontements et des procès avec les autres princes, loin du regard d'amour céleste et miséricordieux de l'icône de la Mère de Dieu. Durant la sombre nuit du 29 juin 1175, il fut férocement assassiné par ses serviteurs manipulés par les boyards, loin de la ville et de l'icône. La nouvelle parvenue à Vladimir, la cité se souleva ; les meurtres et les pillages commencèrent. Pour éviter que le chaos ne tournât à la guerre civile, le prêtre Mikula, poussé par certains habitants et par le clergé, sortit l'icône et la porta en procession à travers la ville. La Mère de Dieu fit cesser la révolte et les pillages.
Le trône princier fut occupé par les neveux d'André, les cruels et cupides Iaropolk et Mstislav, fils de Rostislav. Dès leur accession au trône, ils pillèrent les ornements de l'icône qui se retrouva entre les mains du prince Gleb de Riazan : « ils prirent le premier jour l'or et l'argent de la Mère de Dieu, les clefs de l'église et s'emparèrent aussi des terres et des biens que le bienheureux prince avait donnés à l'Église ». Mais les habitants de Vladimir ne supportèrent pas longtemps le despotisme cruel des deux princes. Ils se liguèrent contre eux, de sorte que les soldats des princes, jetant armes et drapeaux, prirent la fuite avant la bataille. Le prince Gleb s'empressa de restituer l'icône, promettant de rendre aussi tout le reste, « jusqu'à la dernière pièce d'or ».
Le temps passa. Il serait impossible de citer tous les miracles personnels accomplis par l'icône ; nous mentionnerons ceux qui ont un intérêt général.
Le 13 avril 1185, la cathédrale de Vladimir brûla et seule l'icône miraculeuse échappa au feu. On reconstruisit l'édifice par la suite.
Le 7 février 1237, les hordes tatares de Batou Khan envahirent la ville de Vladimir, détruisant et massacrant tout sur leur passage. L'évêque Mitrophane et de nombreux habitants se réfugièrent dans la cathédrale avec l'icône. Les Tatars les livrèrent tous au feu. Voici ce que rapporte une chronique : « Les Tatars ouvrirent les portes de l'église par la force et virent que certains de ceux qui s'y étaient réfugiés étaient morts par le feu. Ils passèrent les survivants par les armes. L'icône miraculeuse de la Sainte Mère de Dieu fut pillée, ses ornements d'or, d'argent et de pierres précieuses arrachés » (Laurent, vol.1). Mais une autre chronique rapporte que « Dieu permit que sur l'icône de la Mère de Dieu, les impies brisassent tous les ornements en métal précieux. Cependant, la divine icône, de façon étonnante, fut retrouvée intacte, n'ayant pas été abîmée ni par le feu, ni par les mains impures des Agarénéens qui détestent tant les chrétiens » (Stepennaïa Kniga). Les recherches menées par les historiens bolchéviques attestent qu’en 1238 « l'armée de Batou Khan passa sur la terre russe comme un ouragan, massacrant tout le monde, des vieillards aux nouveaux nés, et livrant au feu la ville et ses églises » (Moscou, 1958). Quelques années plus tard, Iaroslav Vsevolodovitch restaura la cathédrale aux coupoles dorées et l'icône de Vladimir fut à nouveau ornée d'un revêtement précieux.
Un siècle et demi s'écoula. La phobie des Tatars s'était emparée de la Russie. À cette menace extérieure s'ajoutait une lutte intestine douloureuse qui mena le trône de Moscou au rang de grande principauté. Ceci changea fondamentalement la situation de Vladimir, qui jouait jusque là le rôle de centre politique et culturel de la Russie du nord-est. L'âge d'or de Vladimir était révolu. Le saint hiérarque Pierre avait fait une prophétie sur Moscou qui était en passe de se réaliser : Moscou devait s'élever sur les épaules de ses ennemis, à condition qu'on y édifiât une église consacrée à la Mère de Dieu. La magnifique cathédrale de la Dormition de la Mère de Dieu étant déjà bâtie, il restait à y placer l'icône de Vladimir.
En 1395, Tamerlan envahit toute la terre russe. Il se dirigea vers Moscou en détruisant tout sur son passage. Le « fléau des peuples » avait déjà pris la ville d'Elets tandis que le grand prince Vassili Dimitrievitch se trouvait à Kolomna. Les immenses armées tatares s'approchaient, suscitant effroi et tremblements. Sur le conseil du métropolite Cyprien, ou peut-être sur celui des princes, on s'adressa unanimement à la « Puissance Invincible », car seule l'intercession de la Souveraine Céleste pouvait sauver le pays de la perdition générale. On dépêcha une ambassade solennelle à Vladimir pour chercher l'icône. « Ils prirent l'icône miraculeuse de la Toute-Pure et la portèrent de Vladimir à Moscou, dans la crainte de Temir Oksakov le Tatar, dont les récits de jadis disaient qu'il était loin en orient, et dont on disait maintenant qu'il était à nos portes ».
Le peuple de Vladimir, à genoux dans les rues et sur les routes, pleurait en voyant sa Protectrice quitter la ville. Le 26 août, la sainte icône fut solennellement accueillie à Moscou. Le clergé au grand complet, portant les vêtements sacerdotaux, vint à sa rencontre avec les étendards, les croix et les icônes. Princes, boyards, hommes et femmes, jeunes gens et jeunes filles, enfants et nouveau-nés, pauvres et riches, tous vinrent à la rencontre de la « Puissance Invincible », la Reine des Cieux et de la terre. C'était comme si la Mère de Dieu elle-même entrait dans la ville. Ce fut un triomphe. Tout le monde était à genoux, pleurant de componction et d'espoir. Comment décrire une telle foi, un tel espoir, accordés comme des dons du ciel ? Les Tatars approchaient toujours davantage de Moscou, mais les habitants de la ville sentirent bientôt la panique se changer en une ferme confiance : Dieu ne les abandonnerait pas ! En effet, quelque chose d'incompréhensible arriva le jour même à Tamerlan. Saisi soudain d'une peur aussi insurmontable qu'inexplicable, il prit la fuite et quitta les terres russes.
Par la suite, des rumeurs répétées couraient dans les rangs tatars, rapportant que Tamerlan avait fait un rêve : une Vierge s'était tenue devant lui, haut dans le ciel, auréolée d'une lumière ineffable, et l'avait regardé sévèrement. Les anges qui entouraient la Vierge s'étaient précipités vers lui avec des glaives de feu. Tout ceci se passa le jour de la « rencontre » de l'icône. À son réveil, pris d'effroi, il avait convoqué les sages, les mages et ses lieutenants, leur demandant de lui expliquer cette vision. Ils en étaient venus très vite à la conclusion que cette Vierge ne pouvait être que la Marie des chrétiens, la Mère de leur Jésus-Christ. Tamerlan s'était alors écrié : « Nous sommes perdus, il faut partir ! ». Les Russes ne furent pas les seuls à être surpris par ce départ précipité : les armées tatares elles-mêmes n'en revenaient pas.
Quand Vassili Dimitrievitch apprit la cause de cette débandade, il pria longuement devant l'icône, touché par la miséricorde de la Reine des Cieux, et « se prosterna devant l'icône en faisant couler les larmes de son cœur ».
Le 26 août 1395 resta pour toujours le jour de la Fête de l'icône de Vladimir. On bâtit par la suite le monastère « de la rencontre » sur les lieux mêmes de cette rencontre, monastère vers lequel venait annuellement une procession issue des cathédrales du Kremlin, portant les icônes miraculeuses avec l'icône de Vladimir en tête. C'est ainsi que l'icône de Vladimir entra dans la cathédrale de la Dormition et s'y installa.
Pour ne pas priver totalement les habitants de Vladimir, leur icône y retourna maintes fois, surtout lors des pénibles années de l'invasion tatare. Le prince Vassili en fit peindre par ailleurs une copie par Saint André Roublev, copie destinée à la cathédrale de la Dormition à Vladimir.
Notre Souveraine Céleste, par l'intermédiaire de son icône de Moscou, assura la protection de la ville pendant la période tatare.
En 1408, le khan Edigueï avança sur Moscou à un moment où il n'y avait ni prince, ni métropolite, ni armée russe pour défendre la ville. Comme les habitants priaient jour et nuit devant l'icône de Vladimir, Edigueï fut soudain informé d'une révolte dans la horde. Il abandonna le siège de Moscou et rentra chez lui.
En 1451, c'est Mazovcha, le fils du khan de Nagaï, qui approchait de la ville avec son ramas de brigands, incendiant les faubourgs. Malgré l'épaisse fumée qui recouvrait l'enceinte, le métropolite Jonas ordonna une procession sur les remparts avec l'icône de la Mère de Dieu. La ville entière était en prière. Les guerriers combattirent toute la journée du 2 juillet sans pouvoir vaincre les Tatars. C'était le jour de la fête de la Déposition de la Tunique de la Toute-Sainte Mère de Dieu dans l'église des Blachernes. On entendit toute la nuit des tintements d'armes et des bruits de chariots. Au matin, les tatares n'étaient plus là. On interrogea les quelques blessés restés sur place : ils racontèrent qu'ils avaient cru que de nouvelles forces russes s'étaient approchées dans le noir, avec l'intention de les encercler. C'était donc la raison de la fuite de Mazovcha. Au lever du soleil, aucun nouveau soldat russe n'était présent, mais les Tatars étaient déjà loin. En remerciement pour cette intervention céleste, le métropolite Jonas fit construire, à l'ouest de la cathédrale de la Dormition, une église consacrée à la Déposition-de-la-Tunique.
En 1459, le père de Mazovcha voulut venger le déshonneur de son fils en détruisant Moscou, car il avait appris comment ses soldats avaient été trompés. Le métropolite Jonas et les Moscovites supplièrent de nouveau la Mère de Dieu de sauver la ville. Ivan III Vassilievitch se jeta courageusement dans le combat et mit rapidement les Tatares en déroute. À cette seconde occasion, le métropolite Jonas construisit, pour remercier la Toute-Sainte, une chapelle dédiée à la Glorification de la Toute-Sainte Mère de Dieu (Pokhvala Presviatoï Bogoroditsy).
Plus tard encore, en 1480, Ivan III déchira le sceau du khan et refusa de payer le tribut au chef de la Horde d'or, Ahmet, qui se dirigea vers Moscou avec une énorme armée. L'icône de la Mère de Dieu se trouvait à ce moment-là à Vladimir. On l'envoya chercher en toute hâte et elle parvint à Moscou le 23 juin. Voici ce que rapporte le psautier de la Laure de la Trinité-Saint Serge (Sledstvennaïa Psaltir') : « L'icône miraculeuse de la Toute-Pure Mère de Dieu vint de Vladimir à Moscou en 6988 (1480). Cette même année, l'impie Ahmet s'approcha de la rivière Ougra avec ses enfants, en automne, le jour de la fête de la Protection-de-la-Toute-Sainte-Mère-de-Dieu. C'est à partir de ce moment-là que l'on décida de célébrer cette fête ». Et, dans une autre chronique : « Ayant entendu cela, le grand prince de toute la Russie Ivan Vassilievitch envoya chercher l'icône miraculeuse de la Toute-Sainte à Vladimir et ordonna de l’apporter à Moscou pour la protection de la capitale et de toutes les terres russes. Ahmet s'arrêta à la rivière car il vit le grand prince Ivan de l'autre côté avec son armée. Les ennemis se firent longtemps face de part et d'autre de la rivière, aucun des deux ne se décidant à traverser le premier. À Moscou, on priait jour et nuit devant l'icône en implorant la Toute-Pure d'apporter son aide. Une rumeur venue d'on ne sait où circula parmi le peuple, disant que la Mère de Dieu avait posé sa ceinture sur la rivière entre les deux armées, ce qui avait eu pour effet de les tenir immobiles. Le prince Ivan Vassilievitch décida à la fin de mettre un terme à cette attente en s'éloignant de la rivière pour obliger les Tatars à la traverser en toute quiétude : il espérait ainsi engager la bataille avec une moitié de l'armée, et mettre les Tatars en déroute en les prenant en étau sur la rivière. Ahmet réfléchit longtemps et flaira le piège. Il s'écarta à son tour, et c'est ainsi que la ceinture de la Mère de Dieu les éloigna les uns des autres. Le contact ayant été évité, le prince Ivan envoya des détachements de cavaliers autour de l'armée ennemie pour localiser les Tatars et sonder leurs intentions. En voyant constamment ces cavaliers russes autour d'eux, les Tatars craignirent d'être entourés et reculèrent de plus en plus. Le 7 novembre, ils partirent définitivement, renonçant à l'idée de conquérir Moscou. On institua la journée du 23 juin, date de l'arrivée de l'icône à Moscou, comme fête solennelle de la Mère de Dieu ».
Les campagnes permanentes, les processions, le froid hivernal et la chaleur estivale, la vénération de millions de pèlerins au cours des siècles avaient fini par endommager la peinture de l'icône : le métropolite Varlaam la fit restaurer légèrement en 1514. Elle fut recouverte d'un revêtement luxueux. On fabriqua un encadrement précieux en verre pour mieux la protéger, à l'endroit où elle était placée, près des portes royales de l'iconostase. On peignit au verso un autel et une croix. On instaura une fête en l'honneur de cette restauration, célébrée le 21 mai, « par ordre du pieux grand prince Vassili Ivanovitch, autocrate de toute la Russie, sur le conseil et avec la bénédiction du métropolite de toute la Russie Varlaam », comme l'atteste le Sophisky Vremennik.
Toutefois, les Tatars n'avaient pas laissé les Russes définitivement en paix. En 1521, Mahmet Guireï fit irruption dans la région de Moscou avec les Tatars de Crimée, de Nagaï et de Kazan. Le grand prince Vassili Ivanovitch eut à peine le temps de conduire son armée sur l'Oka pour arrêter la progression des ennemis. Les Tatars se conduisaient déjà comme des démons sur les territoires allant de Voronej à Nijny et de Nijny à la Moskova. Ils tuaient les enfants, emprisonnaient les hommes et profanaient les églises. Guireï poussa ainsi jusqu'à Moscou en incendiant les villages environnants. La peur s'empara de la capitale.
On célébra à nouveau jour et nuit des offices devant l'icône de la Mère de Dieu. Une nuit, Saint Basile le fol-en-Christ pria la Reine des Cieux en versant des larmes pour le salut du peuple et de la ville. Soudain, il entendit un grand bruit. Les portes de la cathédrale de la Dormition semblèrent s'ouvrir d'elles-mêmes et l'icône de Vladimir, quittant sa place, sortit par les portes. Une voix retentit : « Je sortirai de la ville avec les hiérarques ». Toute l'église fut éclairée un bref instant par une grande flamme.
La même nuit, au même moment, une moniale aveugle du monastère de l'Ascension eut une vision. Elle vit une sainte assemblée sortir du Kremlin par les portes du Sauveur. Les hiérarques et d'autres justes resplendissants portaient l'icône miraculeuse de Vladimir qu'ils étaient allés chercher à la cathédrale de la Dormition. Lorsqu'ils franchirent les portes du Sauveur, Saint Serge de Radonège et Saint Varlaam Khoutinsky arrivèrent de l'Ilinka : ils se dressèrent devant les hiérarques leur demandant à qui ils abandonnaient ainsi la ville. Ces derniers répondirent : « Nous avons beaucoup imploré le salut de notre Dieu miséricordieux et de la Vierge Toute-Pure face à cette perdition qui s'annonce. Le Seigneur nous a ordonné, non seulement de quitter la ville, mais d'emporter aussi l'icône de Sa Très-Pure Mère car les gens ont dédaigné la crainte de Dieu et ont négligé Ses commandements. C'est pourquoi Dieu a permis aux barbares de venir les punir afin qu'ils reviennent à Lui par le repentir ». Alors les Saints Serge et Varlaam tombèrent aux pieds des saints thaumaturges de Moscou, les suppliant d'adoucir le courroux de Dieu. Les saints hiérarques ne restèrent pas insensibles à ces prières ferventes. Ils se mirent à prier ensemble devant l'icône de la Toute-Pure, bénirent ensuite la ville avec la croix et rentrèrent au Kremlin avec l'icône de la Reine du ciel et de la terre.
Cette fois encore, les impies perdirent leurs moyens et se laissèrent gagner par la panique. Les guerriers russes, encouragés par la leur foi dans l'aide venue d'en haut, partirent pour encercler les Tatars. Ceux-ci eurent l'impression que les forces russes étaient bien plus nombreuses qu'elles ne le furent en réalité. Une peur mystique, inexplicable, s'empara d'eux, dans cette nuit sombre et impénétrable. Une confusion chaotique naquit dans ce fabuleux rassemblement des hordes de Crimée, de Nagaï, de Kazan : les uns avançaient et les autres reculaient. De tous côtés, ils rencontraient des Russes. Une fuite générale s’ensuivit avant même que le combat ne fût engagé.
Il est facile d'imaginer avec quelles larmes on chanta les offices d'action de grâce en l'honneur de notre Souveraine. On célébra par la suite cette libération de Moscou le jour de la fuite des Tatars, le 21 mai 1521. Cette fête coïncidait ainsi avec celle du 21 mai 1514.
Les années passèrent. L'icône miraculeuse de la Mère de Dieu continua à participer à tous les grands événements de la vie de l'État. On y voyait la présence de la Reine Céleste elle-même. Avant de partir en guerre, les princes de Moscou, puis les tsars, priaient devant l'icône. Les grands de l'État juraient fidélité au tsar face à elle. On l'amena devant le lit de mort du grand prince Vassili Ivanovitch lors de la discussion sur sa tonsure monastique. C'est avec elle que l'archevêque Arsène reçut la milice après la libération du Kremlin du joug polonais. On eut recours à elle quand le patriarche Adrien demanda à Pierre le Grand de gracier les Streltsy. Et combien d'aides individuelles et secrètes n'apporta-t-elle pas ? Elle était présente aux processions des jours de fête et on dut la restaurer à plusieurs reprises, en 1566 sous le métropolite Athanase, puis aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. L'icône miraculeuse souffrit beaucoup lors de l'occupation de Moscou par Napoléon Ier. On dut l'exiler avec beaucoup d'autres objets sacrés, et elle voyagea entre Moscou, Vladimir et Mouromsk. Elle ne regagna la cathédrale de la Dormition qu'en 1813, après la remise en état des lieux, et y demeura jusqu'en 1918. Nous sommes obligés d'ajouter que les soldats de Napoléon avaient transformé la cathédrale en écurie, qu'elle fut saccagée et que tous ses trésors furent pillés.
On faisait participer l'icône aux élections des métropolites puis des patriarches : c'est en effet devant elle qu'on tirait au sort le nom de celui qui était agréable à la Reine Céleste. Cela arriva pour la dernière fois pendant la sanglante guerre civile, lorsqu'on tira au sort le nom du premier patriarche depuis Pierre le Grand. L'élection eut lieu le 5 novembre 1918 dans la cathédrale du Christ-Sauveur, dans le monastère de la Résurrection. On eut beaucoup de difficulté à faire venir l'icône de la cathédrale de la Dormition, car le Kremlin était déjà occupé par l'armée rouge. L'élection eut lieu après la Divine Liturgie. On avait procédé quelques jours auparavant (le 31 octobre) à l'élection préliminaire, au cours de laquelle le métropolite Tikhon de Moscou avait obtenu le moins de voix. Mais c'est lui que la Souveraine Céleste désigna par tirage au sort, et c'est lui qui devint patriarche.
Une restauration capitale fut faite en 1919 par le pouvoir en place qui la considérait comme une œuvre d'art. On ôta à ce moment le revêtement de 1657, selon les désirs du patriarche. On constata qu'il ne subsistait de la peinture initiale que la Sainte Face de la Mère de Dieu, son cou, la Sainte Face de l'enfant Dieu et la lettre M dans le coin supérieur gauche, c'est-à-dire les parties qu'on n'avait jamais recouvertes pour les « conserver » !
L'icône se trouve de nos jours à Moscou, à la galerie Tretiakov.

1 commentaire:

ritagagnon10@gmail.com a dit…

J' ai une copie de la mère de jésus celle dont vs parlez avec un sceauen cire signée par Pierre G. De la cathédrale.
Voici ce qui est inscrit à l'endos :

Notre Dame de Vladimir "201
DEISSIS l'Église de Vladimir

Russie XII siècle

Prix :

PIERRE G. DE LA
CATHEDRALE


Et la signature est P.(soulignée) en rouge.

Fait sur une plaquette de bois avec sceau en cire.


J'aimerais savoir quelle importance elle a? Cadeau d'u e paroisse oû je travaillais car il ferme les portes et liquide tout.

Merci à l'avance.


ritagagnon10@gmail.com