D’après une pieuse tradition, le prototype de l’icône de la Mère de Dieu de Jérusalem a été peint par le Saint Apôtre Luc à Gethsémani quinze ans après l’Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ.
L’empereur Léon le Grand fit transporter l’icône à Constantinople, afin de l’installer dans l’église consacrée à la Mère de Dieu de la Source. Plus tard, au temps de l’empereur Héraclius, Constantinople fut attaquée par les Scythes, et le salut de la ville fut obtenu par les prières du peuple grec devant l’icône de la Mère de Dieu de Jérusalem. Après cette manifestation miraculeuse de la miséricorde de la Reine des Cieux, le pieux empereur ordonna que la sainte icône fût transportée dans l’église des Blachernes, où elle demeura près de trois cents ans.
Au début du Xème siècle, les russes firent campagne contre Constantinople et emportèrent l’icône de la Mère de Dieu de Jérusalem à Cherson. Par la suite, après son baptême dans cette même ville, le prince Vladimir emporta l’icône à Kiev. Plus tard, les habitants de Novgorod reçurent la foi chrétienne, et le grand prince leur envoya l’icône comme bénédiction. Elle résida plus de quatre cents ans dans la cathédrale Sainte-Sophie.
Au milieu du seizième siècle, Novgorod tomba entre les mains du tsar Ivan le Terrible qui fit transporter l’icône de Jérusalem à Moscou, où elle fut déposée dans la cathédrale de la Dormition de la Toute-Sainte Mère de Dieu.
Lors de l’invasion des français en 1812, l’icône fut volée et emportée à Paris. On suppose qu’elle se trouve aujourd’hui à la cathédrale Notre-Dame.
La copie de Moscou
On garde à Moscou, dans la cathédrale de la Dormition de la Toute-Sainte Mère de Dieu, une copie de l’icône de Jérusalem qui provient de l’église de la Nativité de la Mère de Dieu yf ctyzx. Sur les côtés de cette copie sont représentés les Saints Apôtres Pierre, Paul, Luc, Simon, Philippe, Mathieu, Marc, Jacques, Thomas et Barthélémy, ainsi que les saints martyrs Procope, Georges et Mercure.
La copie de Constantinople
Une autre copie de l’icône de Jérusalem fut transportée de Jérusalem à la cathédrale Sainte-Sophie de Constantinople, où elle demeura du XIIème au XVème siècle. Selon certaines sources, une église consacrée à cette icône existait dans la ville aux XIème et XIIème siècles.
La copie de Krivoezerskaïa Poustynia,
dans le gouvernement de Kostroma
Le monastère Krivoezersk fut fondé en 1644, au temps du patriarche Joseph. Il fit parler de lui en 1709 et dans les années qui suivirent, quand fut peinte l’icône miraculeuse de la Mère de Dieu de Jérusalem. Cette icône resta dans le monastère par la suite.
En cette année 1709, plusieurs amateurs de solitude et d’exploits ascétiques vinrent s’établir au monastère, et parmi eux Cyrille Oulanov, iconographe du tsar, qui y fut tonsuré sous le nom de Corneille. Avant son arrivée, le père Corneille avait déjà le désir de faire une copie de l’icône miraculeuse de Jérusalem de la cathédrale de la Dormition de la Mère de Dieu à Moscou. Aussi se mit-il tout de suite au travail. Ecoutons le récit de l’higoumène Léonce :
« Comme je vivais à Pérerva, village situé dans un méandre de la Moscova, dans le monastère consacré à la Dormition de la Toute-Sainte Mère de Dieu et à Saint Nicolas, la pensée me vint de procurer une perle de grand prix, un riche trésor au monastère de Krivoezersky, situé près de Iourevets-Polosk : je désirais convaincre un bon iconographe de réaliser à Moscou une copie de la très glorieuse et miraculeuse icône de Jérusalem de notre Tout-Puissant Intercesseur, la Protectrice des chrétiens, la Toute-Pure Souveraine, la Mère de Dieu et Toujours-Vierge Marie. J’étais poursuivi par ce désir tenace qui malmenait mon âme, et je me rendais fréquemment à la cathédrale de la Dormition de la Mère de Dieu pour vénérer avec componction l’icône miraculeuse. J’élevais vers notre Toute-Pure et miséricordieuse Protectrice des prières ardentes afin qu’Elle eût pitié de nous et qu’Elle voulût bien donner à Son monastère de Krivoezersk la même image divine que celle de la cathédrale de Moscou, par le moyen qu’Elle et son Fils choisiraient.
Je ne sais comment cela se fit, mais un an plus tard, sans doute par la volonté de Dieu et de Sa Mère, j’avais totalement oublié ce désir, et sa pensée n’effleurait même plus mon esprit.
En 1709, je vivais toujours au monastère Saint-Nicolas de Pérerva. Un beau jour, j’entendis des habitants de Iourevets raconter qu’un certain Cyrille Oulanov, originaire de Moscou et pieux iconographe du tsar, venait d’être tonsuré au monastère Krivoezersky sous le nom de Corneille. On disait qu’il avait peint une icône de Jérusalem de notre Toute-Sainte Souveraine, la Mère de Dieu et Toujours-Vierge Marie pour la cathédrale du monastère, dédiée à la Sainte et Vivifiante Trinité. L’icône, de dimensions légèrement moindres que celle de Moscou, était, disait-on, très belle, et tout à fait étonnante. En entendant ce récit, je m’étonnai de la miséricorde de Dieu et de la bienveillance de la Reine des Cieux. Je me remémorai mon désir passé de voir peinte une copie de l’icône de Moscou pour le monastère Krivoezersky. Dans une joie ineffable, je me précipitai à Moscou pour vénérer l’icône de la cathédrale de la Dormition de la Mère de Dieu, et rendre grâce à la Protectrice des chrétiens et à son Fils notre Dieu. Dieu avait manifesté Sa bienveillance à l’égard du monastère de Krivoezersk ! Plus tard, j’entendis que le père Corneille avait quitté le monastère de Krivoezersk peu de temps après avoir peint l’icône ! Tout s’était donc passé comme s’il avait été envoyé dans ce monastère uniquement pour accomplir cette oeuvre ! Ce fut pour moi une nouvelle occasion de glorifier Dieu et notre Très Sainte Souveraine.
Il faut dire qu’à cette époque, je n’avais nullement l’intention de m’établir au Désert de Krivoezersk. Je ne caressais d’ailleurs pas plus l’espoir de voir la divine icône qui venait d’y être peinte. Je me disais seulement à moi-même : Gloire à Dieu et à Sa Mère ! Par la providence divine, un trésor a été offert à ce monastère !
En 1711, il advint que la volonté de Dieu et la demande des moines du monastère me placèrent au poste d’higoumène de Krivoezersk. A peine arrivé de Moscou, j’entrai dans l’église pour voir ce divin trésor que j’avais tant désiré, cette gloire et cette joie des chrétiens, l’icône de Jérusalem de notre Souveraine et Mère de Dieu. Comme mon âme se réjouit alors d’avoir été digne de la voir et de la vénérer !
L’icône fut solennellement bénie cette année-là, le 20 août, peu après la Dormition, et une fête spéciale fut instaurée en son honneur. L’higoumène et toute sa communauté promirent à Dieu de renouveler cette vénération solennelle chaque année, en souvenir du don de Dieu. On souhaitait ainsi rendre grâce à notre Dieu glorifié dans la Trinité et à Sa Mère miséricordieuse pour l’attribution au monastère de cette perle sans prix, et pour l’élan inconcevable de leur bienveillance.
Il n’est pas inutile de dire ici deux mots sur le moine Corneille. A peine tonsuré, il se mit très vite à peindre l’icône de notre Souveraine, la Mère de Dieu et Toujours-Vierge Marie, portant dans ses bras divins son Enfant, son Fils et son Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ. Comme il convient aux moines nouvellement tonsurés, il vivait dans la piété, la crainte, et la tempérance, respectant la tradition des Saints Pères qui commande de jeûner pendant quarante jours. Par l’intercession de la Toute-Pure Mère de Dieu, Dieu lui accorda une telle componction que ses larmes coulaient en permanence tandis qu’il peignait les traits doux et divins de la Reine des Cieux et de son Fils, le Très-Doux Jésus. Il s’abstenait de toute conversation pendant son travail, et priait constamment notre Protectrice d’avoir pitié de lui, afin que son oeuvre le conduisît avec tout le monastère à la joie et au salut. Cette componction animait toutes ses prières, de jour comme de nuit. Avec l’aide de Dieu et de Sa Mère Toute-Pure, il termina la divine icône. Le résultat fut si beau, si inattendu, qu’il en fut surpris et saisi de crainte. Il glorifia Dieu et Sa Mère Toute-Pure pour leur miséricorde. Avant même la fin de la période de quarante jours suivant la tonsure, les hiéromoines du monastère purent venir chercher l’icône achevée dans sa cellule, et la porter joyeusement à l’église. Aujourd’hui encore, lorsqu’il pense au temps où il peignit cette icône, son âme se remplit de mansuétude et de joie.
Il faut donc croire que cette icône miraculeuse de la Toute-Sainte Mère de Dieu de Jérusalem a été peinte par un effet tout particulier de la providence de Dieu et de Sa Mère Toute-Sainte ».
A partir de 1711, à la suite d’une demande des habitants de la région qui la vénéraient beaucoup, on prit l’habitude d’amener l’icône dans les églises paroissiales et chez les habitants pour des offices d’actions de grâce. Cette coutume fut confirmée en 1720 par Monseigneur Pitirim, archevêque de Nijni-Novgorod.
La première glorification attestée de la sainte icône eut lieu en 1781. Le 22 décembre de cette année-là, un grand incendie éclata au monastère. Il gagna rapidement tous les édifices, en particulier l’église en bois de Saint Nicolas et son clocher. Puis il atteignit l’église en pierre dédiée à la Sainte Trinité et son clocher, sous les yeux des frères impuissants à maîtriser les éléments déchaînés. C’était avec horreur qu’ils regardaient des morceaux de l’église s’embraser et partir en fumée. L’incendie gagnait tout l’édifice, exposant la sainte icône à une inévitable destruction. Pourtant, bien que le feu eût pénétré à l’intérieur, l’église resta entière. Les icônes furent endommagées et couvertes de suie, les peintures boursouflées, mais l’icône de Jérusalem fut épargnée, demeurant aussi lumineuse, claire et propre qu’auparavant. On put seulement observer sur le poignet de la main gauche de la Toute-Pure la cloque d’une brûlure, qui s’atténua avec le temps tout en restant visible, comme pour attester que la main avait souffert.
Le 4 juillet 1859, à onze heures, un incendie se déclara chez un habitant de Iourevets-Polosk, dénommé Alexandre Lougovsky, à cause de l’imprudence d’un ouvrier. Comme un vent fort soufflait à ce moment-là, le feu se propagea sur les demeures environnantes, et quatorze propriétaires perdirent leur maison et leurs biens. Il semblait inévitable que l’incendie gagnerait les autres maisons et les trois églises proches, car le vent attisait le feu et projetait des étincelles au loin. Les toits de certains bâtiments commençaient d’ailleurs à prendre feu.
Mais voici que le Seigneur Dieu voulut bien manifester Sa miséricorde aux pécheurs. Il se trouvait qu’en ce temps-là la cathédrale de la ville accueillait la précieuse icône de la Mère de Dieu de Jérusalem du monastère de Krivoezersk. Les habitants de Iourevets avaient en effet réclamé la sainte et très vénérable icône pour une procession autour de la ville. Tous les moyens déployés contre l’incendie s’avérant inefficaces, les habitants demandèrent au recteur de la cathédrale de bien vouloir conduire l’icône sur les lieux. Comme on l’apportait avec tous les honneurs qui lui sont dus, le vent tourna du nord-est au nord-ouest et les étincelles cessèrent de pleuvoir sur la ville. Le feu semblant s’apaiser, on rapporta l’icône à la cathédrale. Cependant, à la surprise générale, le vent se remit à souffler du nord-ouest, l’incendie reprit de plus belle, et les étincelles menacèrent de nouveau la ville. Les habitants, mesurant à ce miracle la protection et l’intercession de la Mère de Dieu, firent revenir la sainte icône. Le vent tourna de nouveau. Cette fois, on garda l’icône sur les lieux jusqu’à ce que le feu fût complètement éteint. Les habitants de la ville, tous témoins du miracle, insistèrent pour que celui-ci fût publié, comme témoignage pour les générations à venir.
L’intercession de la Mère de Dieu ne se limitait pas aux incendies. Elle s’imposa également au cours des épidémies de choléra qui tombèrent sur Krivoezersk et ses environs en 1848 et 1853. Partout où on portait la sainte icône, la contagion cessait, ou bien les effets mortels disparaissaient. Il en allait de même dans les cas d’épizootie, tant au monastère que dans les villages des environs. Il y eut aussi des cas de guérisons de malades, notamment de deux jeunes filles qui participaient à des processions avec l’icône miraculeuse.
La copie du monastère russe
Saint-Pantéléimon, au Mont Athos
Cette sainte icône repose dans un cadre recouvert de verre, situé au-dessus des portes royales de la cathédrale de l’Intercession de la Toute-Sainte Mère de Dieu. On a coutume de la faire descendre à certaines occasions avec le large ruban de velours brodé à son tropaire sur lequel elle est suspendue, pour l’offrir à la vénération. Elle fut peinte en 1825 au monastère Krivoezersky par le hiérodiacre Nikon (Nil dans le grand habit), qui l’envoya en cadeau au monastère Saint-Pantéléimon en 1850.
Sur cette icône, la Toute-Sainte Vierge tient l’Enfant-Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ, sur Son bras droit, contemplant Celui qui repose sur elle comme sur un trône de gloire. Le Seigneur bénit de Sa main droite, les doigts repliés formant les lettres IC. Sa main gauche tient un rouleau. Sur les bords de l’icône sont représentés Saint Joachim et Sainte Anne, les parents de la Sainte Vierge Marie. Au verso, on peut trouver une inscription disant que l’icône a été peinte par le hiéromoine Nikon du monastère Saint-Nil-de-la-Sora, qui a voulu, à la suite d’une incitation particulière de la providence, témoigner de son zèle pour le monastère russe du grand martyr et anargyre Pantéléimon, et pour la bienveillance de Dieu et de la Toute-Sainte Mère de Dieu.
Dès que l’icône parvint au monastère, on envoya une lettre au hiéromoine Nikon pour lui demander d’expliquer, si possible, quelle avait été cette incitation particulière. Par la lettre du 12 décembre 1852, Père Nikon raconte que trente ans auparavant, alors qu’il était encore hiérodiacre et vivait dans le désert de Krivoezersk, il avait été impressionné par les miracles de l’icône du monastère. Il décida d’en peindre une copie conforme, excepté en ce qui concerne les dimensions. Lors de la bénédiction de l’icône, il y eut un signe, une prophétie qui s’accomplit clairement, et par la suite, d’autres manifestations de la grâce. Plus tard, il partit, selon la volonté de Dieu, s’installer au monastère Saint-Nil, alors presque déserté. L’icône ne le quittait jamais. Elle lui servait de baume pour l’âme et pour le coeur dans les tribulations. La grâce de l’icône guérissait les maladies, protégeait du feu... Il n’avait jamais eu l’intention de s’en séparer, mais la providence de Dieu et de Sa Mère Toute-Sainte en avait décidé autrement. Il priait les pères du monastère Saint-Pantéléimon de le croire, et de ne pas douter que l’icône leur avait bien été envoyée par Dieu et par la bienveillance de la Reine des Cieux. Il demandait aussi qu’on n’exigeât pas de lui plus de détails. Toutefois, afin qu’ils ne se sentent pas offensés, il ajoutait à la fin de sa lettre le récit d’un songe qu’il avait eu deux mois avant l’envoi de l’icône : « Il me semblait voir la Sainte Montagne de l’Athos. Je commençais à en gravir les pentes, accompagné d’une personne qui me servait de guide et prétendait s’être déjà rendue au Mont Athos. Nous nous approchâmes d’un escarpement rocheux ; il n’est pas de mot pour dire combien il était difficile d’en faire l’ascension. Mon compagnon grimpait avec facilité, et moi, avec crainte et force peine. Nous parvînmes toutefois jusqu’en un certain lieu où mon guide devint invisible. J’ai dans l’idée que ce guide n’était autre que mon ancien, Saint Nil de la Sora. Il me paraissait tout à fait impossible de continuer à grimper sur ces rochers. La crainte me gagna. Je poursuivis quand même et parvins sur un promontoire où se tenait une église. Mon âme et mon coeur s’emplirent de joie, de révérence et de crainte : j’aperçus près de l’entrée de l’église une Femme extraordinairement belle, vêtue d’habits blancs comme la neige. Son regard était amical et tendre. Elle dit, en me voyant : ‘Heureusement, tu es venu vite !’ Puis Elle me donna sur une cuillère un liquide blanc comme le lait, au goût ineffablement doux. « Prends, tu en as besoin, tu es fatigué » Cette Femme divine prononça ensuite des paroles indicibles et m’ordonna d’envoyer ma sainte icône au monastère russe du Mont Athos. Après l’envoi de l’icône, tout ce que la Souveraine m’avait promis s’accomplit : le skite du monastère Saint-Nil-de-la-Sora fut déclaré indépendant, l’église dédiée à Saint Jean le Précurseur sur le lieu où avait vécu Saint Nil fut enfin consacrée après dix ans d’attente, mon désir de recevoir le grand habit et de demeurer près de la dite église dans la cellule de Saint Nil fut comblé, et bien d’autres choses encore ». La lettre se termine par ces mots : « Gloire, grandeur et honneur à la Toujours-Vierge Marie, Mère de Dieu ! »
Lors des vigiles des fêtes de la Mère de Dieu, on descend la très sainte icône avec honneur et on célèbre un acathiste devant elle, à la fin duquel l’higoumène et tous les frères la vénèrent, s’inclinent jusqu’à terre et demandent à la Mère de Dieu son aide et son intercession devant son Fils et notre Dieu.
On fête la sainte icône le 12 octobre.
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