samedi 16 mai 2009

TRAITE SUR L'HOMME (Partie II)



LA CREATION DE L’ HOMME

Dieu créa l’homme à Son image et à Sa ressemblance. La création « à l’image de Dieu » touche l’homme dans sa nature même, alors que la ressemblance l’affecte dans ses qualités morales. C’est la conjonction des deux qui permet d’atteindre la plénitude de la ressemblance alors qu’inversement, l’altération de la ressemblance brisera toute la dignité de l’image . L’homme fut créé « empreinte » de Dieu, non seulement dans sa nature mais aussi dans ses qualités morales (sa sagesse, sa bonté, sa sainte pureté, sa constance dans la bonté). Le mal et l’imperfection ne trouvaient aucune place en lui. Malgré ses limites, il était parfait et pleinement ressemblant à Dieu. Cette plénitude de la ressemblance était indispensable pour que l’homme satisfasse à sa destination, être le temple du Dieu Parfait. L’intellect de l’homme se devait d’avoir l’Esprit de Dieu (1Cor.2,16), sa parole la Parole de Dieu (1Cor.7,12 et 2Cor.13,3) et son esprit d’être uni à l’Esprit de Dieu (1Cor.6,17). Ses qualités devaient être semblables à celles de Dieu (Matt.5,48). En effet, lorsque Dieu vient demeurer dans l’homme, l’union devient plus étroite (2Pierre 1,4) : l’homme qui atteint un tel état devient dieu par grâce ! Lors de la création, nous fumes appelés à cet état par le Créateur à travers nos ancêtres, comme le dit d’ailleurs Dieu Lui-même : « J’ai dit : vous êtes des dieux » (Ps 81,6). Nos ancêtres se trouvaient dans cet état immédiatement après leur création
Les saintes Ecritures évoquent le conseil divin qui précéda la création de l’homme : « Créons l’homme » déclara l’incompréhensible Divinité de manière ineffable, « à Notre image et à Notre ressemblance et qu’il domine sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les animaux, le bétail et les reptiles qui rampent sur la terre » (Gen.1,26). Dans ces paroles, qui précédèrent la naissance de cette admirable image de Dieu qu’est l’homme, se révèle la propriété du prototype, Dieu : La Tri-unité des Personnes.

Le grand conseil divin conçut aussi la femme : «Et le Seigneur dit : il n’est pas bon que l’homme soit seul : Je lui ferai une aide semblable à lui » (Gen.2,18). Comme l’homme, la femme fut créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, au cours du colloque divin où les trois Personnes de l’unique divinité se manifestèrent en disant « Créons », exprimant ainsi la volonté unique et l’égale dignité des trois Hypostases de la Toute Sainte Trinité qui agissent sans séparation ni confusion. Cette tri-unité des Personnes, possédant chacune la même essence divine, s’imprime avec clarté dans l’homme, créé à l’image de Dieu. L’homme fut instauré représentant de l’humanité, être agissant : c’est pourquoi les Saintes Ecritures font mention uniquement de lui quand il fut installé puis chassé du paradis (Gen.2,15 et 3,22-24), même s’il est clair, toujours d’après les Ecritures, que dans les deux cas la femme participait aussi. Elle participe également à la dignité d’image de Dieu : « Dieu créa l’homme, Il le créa à l’image de Dieu : Il le créa homme et femme » (Gen.1,27).

LE CORPS ET L’ AME

Dans l’Ecriture Sainte, la création de l’homme est exposée ainsi : « Dieu créa l’homme de la poussière de la terre, Il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant » (Gen.2,7). Ceci montre bien que de toutes les créatures, l’homme est la plus parfaite et la plus proche de Dieu : il fut créé non par un acte unique, comme ce fut le cas pour les autres créatures, mais progressivement. Ainsi, pour former la terre, le ciel, les astres immenses, les innombrables espèces de plantes et d’animaux, le Créateur n’utilisa que Sa Parole; mais pour former l’homme, Il se consulta d’abord Lui-même , puis agit ensuite. Il modela d’abord le corps, puis insuffla le souffle de vie.

C’est ainsi que par la nature même de l’acte créateur, la dignité du corps humain est incomparablement supérieure à celle des animaux et il en va de même pour la dignité de l’âme humaine qui surpasse de beaucoup celle de l’âme animale tirée de la terre sur l’ordre du Créateur (Gen.1,24). Ne perdons pas de vue cependant que nous sommes poussière de la terre et nous aurons là une source intarissable d’humilité ! Dans le texte de la Genèse cité plus haut, on observe pour la première fois la présence de l’âme dans l’homme, qualifiée de « souffle de vie ». Ce souffle pénètre par la face, partie privilégiée de l’homme qui servira de miroir à l’âme, reflétant ses sentiments et ses mouvements. L’homme entier est qualifié d’« être vivant » car il devient, après l’union de l’âme et du corps , un seul être composite dans lequel l’âme domine totalement le corps. Le corps devient la maison de l’âme, son vêtement, son instrument : c’est ainsi que le décrivent l’Ecriture Sainte et les Pères. Les deux Apôtres Coryphées le qualifient de tente (2Pierre.1,13 et 2Cor.5,1-4). « L’âme est entourée et habillée par les membres du corps » dit Saint Basile le Grand (Propos 5,ch6) et Saint Jean Damascène constate que « l’âme agit au moyen du corps organique, lui communiquant la vie, la croissance, les sentiments et la force de la naissance », « elle emploie le corps comme instrument » (la Foi Orthodoxe, V2, ch12 de l’homme). L’expérience de la vie quotidienne et nos sens rendent naturelle une telle conception des relations entre l’âme et le corps.

Les païens voyaient l’âme humaine comme une partie de la divinité. Cette vision est fausse et très dangereuse car elle contient un blasphème ! Nous trouvons cependant utile de nous y arrêter pour mettre en garde nos frères car nombreux sont ceux qui de nos jours, ayant lu que « Dieu souffla dans ses narines un souffle de vie », pensent que l’âme humaine est divine de par sa création, donc par nature. Pourtant, les Saintes Ecritures expriment clairement que l’homme est en totalité une créature (Gen.1,27; Matt.19,4).

Inspiré par l’Esprit Saint Qui Seul peut dévoiler à l’homme son origine, celui-ci, en tant que créature raisonnable, crie à son Créateur : « Tes mains m’ont fait et façonné » (Ps 118,73). C’est là le cri d’une âme qui intercède pour elle et pour son corps, et non pas seulement le cri d’un corps ! L’église Orthodoxe d’Orient a toujours reconnu que l’homme, créé corps et âme, était capable de participer avec son âme et son corps à la Nature Divine, d’être dieu par la grâce. Saint Macaire le Grand dit : « Ô, l’indicible bonté de Dieu, Qui se donne gratuitement aux croyants afin qu’en peu de temps, ils reçoivent Dieu en héritage, qu’Il fasse d’eux Sa demeure de grâce ! Comme Dieu créa le ciel et la terre pour que l’homme y habite, Il créa le corps de l’homme pour en faire Sa demeure, pour y reposer avec Sa magnifique fiancée, l’âme bien-aimée, créée à Son image ». « Je vous ai fiancés à un seul Epoux pour vous présenter au Christ comme une vierge pure » (2Cor.11,2). « Sa maison, c’est nous » (Hebr.3,6). Comme l’homme accumule les bonnes choses dans son logis, le Seigneur amasse une richesse céleste et spirituelle dans sa demeure, le corps et l’âme. Ni les sages dans leur sagesse, ni les savants dans leur intelligence n’ont pu comprendre la subtilité de l’âme ni dire comment elle existe, hormis ceux à qui l’Esprit Saint a dévoilé la juste connaissance. Mais réfléchis et comprends ! Il est Dieu et elle ne l’est pas, Il est le Maître et elle est l’esclave, Il est le Créateur et elle est la créature. Il n’y a rien de commun entre Sa nature et la sienne. Mais par Son amour et Sa bonté ineffables, illimités et inconcevables, Il a bien voulu faire de cette créature intelligente, précieuse et extraordinaire Sa demeure « afin que nous soyons les prémices de Ses créatures » (Jc.1,18), c’est-à-dire unis à Sa sagesse, en communion avec Lui, Sa propre demeure et Sa pure fiancée. Saint Jean Damascène a réuni au VIIIème siècle dans son livre intitulé « l’Exposé de la foi Orthodoxe » les points de vue des Pères des siècles précédents, notamment Saint Maxime le confesseur.

Il dit en particulier : « Dieu créa les êtres dont la nature nous est perceptible par la contemplation, c’est-à-dire les anges et les puissances célestes raisonnables et incorporelles, en comparaison avec la matière grossière (en effet, Seul Dieu est immatériel et incorporel au sens propre). Dieu a créé aussi la nature perceptible par nos sens, le ciel et la terre. Ces êtres raisonnables et incorporels sont très proches de Lui, alors que les corps matériels sont très éloignés de Lui. Il fallut qu’apparais un être composé de ces deux natures, qui manifesterait encore plus la sagesse et la générosité de Dieu à l’égard de ces deux natures et serait, comme le dit Saint Grégoire le Théologien, une union du visible et de l’invisible. En disant « il fallut », je fais allusion à la volonté du Créateur. Ainsi, à partir des matières visible et invisible, Dieu créa de Ses mains l’homme à Son image et à Sa ressemblance, modelant le corps à partir de la terre et l’âme raisonnable et intelligente avec Son souffle. Le corps et l’âme furent créés ensemble. L’homme fut créé sans péché, juste, aimant le bien, étranger à la tristesse et au soucis, paré de toute vertu et de tout bien, comme un microcosme dans l’univers, adorant Dieu comme un ange, matériel et spirituel, percevant le visible par ses sens et contemplant l’invisible par l’intellect, dominant sur toutes les créatures et soumis au Roi Suprême. Il est à la fois terrestre et céleste, temporel et immortel, visible et en même temps saisissable uniquement par l’intellect, suspendu entre la grandeur et la bassesse, esprit pour accueillir la grâce et chair pour prévenir l’orgueil, esprit afin de demeurer ferme et de glorifier son Bienfaiteur et chair pour être éprouvé par la souffrance afin de ne pas oublier sa condition et s’enorgueillir. Et, ce qui est le sommet du mystère, il fut créé vivant ici-bas dans la vie présente et destiné à être transporté dans un autre lieu pour la vie future et éternelle, comme un être déifié par son attachement à Dieu, par la communion, par l’illumination divine , sans être changé en dieu dans sa nature » (Livre2,ch12).

En soufflant sur l’homme pour le renouveler, le Dieu incarné a expliqué le souffle du Dieu Créateur de la Genèse . Notre Seigneur Jésus- Christ, ayant accompli notre rédemption et préparé l’humanité à recevoir l’Esprit Saint, se tint au milieu de Ses disciples après Sa résurrection et souffla sur eux en disant : « Recevez l’ Esprit Saint » (Jn.20.22) .L’Esprit descendit bientôt sur eux dans un bruit venant du ciel comparable à celui d’un vent impétueux (Act.2,2). Ce « second souffle » montre que déjà lors du « premier », la descente de l’Esprit Saint avait eu lieu. La grâce divine s’était répandue avec abondance et l’âme du premier homme était vivante, comme mue, éclairée et dirigée par l’Esprit Saint. Tout ceci permet de comprendre les événements consécutifs à la création de l’homme. Saint Macaire le Grand dit: « De même que l’Esprit Saint agissait par les Prophètes, les instruisait et résidait en eux, Il agissait de même en Adam et l’instruisait quand Il le voulait. (Le premier homme est appelé Adam mais notons qu’en hébreu, « Adam » signifie « homme » en général et est un nom commun). Le Verbe était tout pour lui et tant qu’il gardait le commandement, Adam était l’ami de Dieu » (entretien 12.ch 18).

Pour créer la femme, Dieu fit entrer Adam en extase. Ce dernier s’endormit. Pendant ce sommeil extraordinaire, le Seigneur prit une de ses côtes, créa la femme et l’amena vers Adam. En dépit du sommeil et de l’extase, Adam, inspiré par l’Esprit Saint qui reposait sur lui, sut immédiatement d’où provenait sa femme . Il déclara : « Voici à présent celle qui est os de mes os et chair de ma chair. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et ils deviendront une seule chair » (Gen.2.21-24). A travers ce récit de la création de la femme, nous avons un exemple de la multiplication impassible du genre humain avant la chute. Dans les paroles d’Adam citées ci-dessus, nous lisons la loi de la vie conjugale des hommes, prononcée au Nom de Dieu, comme en a témoigné le Dieu-Homme Lui-Même.

La femme fut prise de la côte d’Adam. Ce dernier n’était alors soumis à aucune sensation qui aurait pu porter atteinte à sa pureté, se trouvant au contraire dans une divine extase . Un tel état ne ravit que des hommes touchés par la grâce. Nous ne disposons pas d’exemple permettant de comprendre le mode de multiplication du genre humain par l’homme et la femme avant la chute, multiplication décidée avant la chute, mais nous affirmons avec certitude que ceci aurait dû s’accomplir dans la plénitude de la pureté et l’absence de passion. A la place de la jouissance charnelle et animale aurait dû exister une jouissance simple et spirituelle. Nous ne chercherons pas à en connaître le comment , puisque Dieu ne nous l’a pas révélé. Nous savons que, de même qu’il a été facile à Dieu de permettre le moyen connu, il Lui aurait été facile d’en instituer un autre. L’état actuel des choses a été permis par Dieu , il est la triste conséquence de notre chute, un signe que Dieu s’est détourné de nous. Nous naissons déjà tués par le péché : « Dans l’iniquité j’ai été conçu et j’étais dans le péché quand ma mère m’a enfanté »(Ps.50,7). Dieu ne pouvait pas vouloir la conception dans l’iniquité et la naissance dans le péché.

Le Seigneur conduisit devant Adam tous les animaux, le bétail et les oiseaux du ciel. Il leur donna à chacun un nom (Gen.2,19). Saint Macaire le Grand dit : « Tant que la parole de Dieu était avec Adam, il gardait le commandement, il avait tout. La Parole elle-même était pour lui l’héritage, le vêtement et la gloire qui le couvrait et l’instruisait. Il avait reçu le pouvoir de nommer toute chose : le ciel, le soleil, la lune, la terre, l’oiseau, la bête ou l’arbre. Etant inspiré, il nommait les créatures...L’Esprit l’instruisait et lui ordonnait : nomme ainsi, appelle ainsi. » (entret12, ch 6,8). Dans notre état de chute, il nous est difficile de concevoir clairement l’état de perfection dans lequel furent créés nos ancêtres, dans leur âme et dans leur corps.

Nos âmes et nos corps terrassés par le péché ne nous permettent pas d’imaginer leur état saint. Ils commencèrent leur existence dans la pureté et la sainteté alors que nous naissons souillés et pécheurs. Ils étaient immortels par l’âme et le corps alors que nous naissons l’âme mise à mort et le corps portant en germe la semence qui tôt ou tard engendrera son fruit : cette mort du corps à laquelle nous assistons. Ils vivaient en paix avec eux-mêmes et avec leur entourage, dans une incessante jouissance spirituelle, contemplant l’élégance de la création, gardant la pensée et la vision de Dieu. Au contraire, nous sommes agités par diverses passions coupables qui bouleversent et tourmentent notre âme et notre corps, nous luttons constamment contre nous-mêmes et contre notre entourage, nous souffrons, nous sommes martyrisés et nous nous adonnons à une jouissance bestiale et animale. Tout autour de nous se trouve dans un terrible trouble, dans un labeur incessant et vain. Nous sommes réduits en esclavage , condamnés à fabriquer des briques pour pharaon (Cf. Exode). En un mot, nous sommes déchus et perdus dès notre naissance alors que nos ancêtres étaient saints et bienheureux dès leur création. Que de différence entre ces deux départs dans la vie!.

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