Tiré des oeuvres deSaint Dimitri de Rostov.
Lorsque le Seigneur, qui vit dans les cieux, voulut apparaître sur la terre pour y vivre avec les hommes, Il commença par se préparer une demeure de gloire : Sa Mère Toute-Pure. Un roi qui désire séjourner dans une ville ne s’y prépare-t-il pas un palais ?
Les rois terrestres font édifier leur palais par les architectes les plus sages, avec les matériaux les plus précieux, à l’endroit le plus élevé, pour surpasser ainsi en beauté et en taille toutes les demeure humaines. C’est ainsi que le Roi de gloire Se fit construire une demeure véritablement céleste.
L’Ancienne Alliance montre déjà que lorsque Dieu désira vivre à Jérusalem, Salomon Lui fit bâtir un temple par un architecte rempli de sagesse, Hiram, qui brillait par son savoir-faire, son intelligence et son génie. Il employa des matériaux précieux, des pierres de grande taille, des bois aromatiques comme le cyprès et le cèdre du Liban, et de l’or pur. Il dressa l’édifice sur les hauteurs de la montagne Moriiya. Mieux encore, il sculpta des chérubins, des arbres et des fleurs sur les murs. Le temple était si vaste que la multitude du peuple d’Israël pouvait s’y tenir sans gêne. Après la consécration, la gloire de Dieu pénétra dans le temple comme le feu dans la nuée.
Toutefois, le temple n’était pas assez grand pour abriter le Dieu incommensurable. Salomon avait certes bâti un temple, mais le Très-haut n’habite pas ce que la main de l’homme a construit. Quelle maison Me bâtirez-vous, dit le Seigneur, quel sera le lieu de Mon repos ? Dieu voulut inaugurer l’ère nouvelle de la grâce par un Temple nouveau, non construit de main d’homme, la Toute-Pure et Toute-Bénie Vierge Marie. Et quel fut l’architecte de ce Temple ? Le plus brillant en vérité : la Sagesse de Dieu elle-même ! N’est-il pas écrit : la Sagesse a bâti Sa maison ? (prov.9,1) Et tout ce que la Sagesse de Dieu bâtit est béni et parfait. C’est ainsi que fut créé pour le Dieu parfait le Temple parfait, le palais vivant du Verbe, la Demeure très claire du Roi des lumières, la Maison immaculée de l’Epoux sans tache. Et ceci pour suivre le témoignage céleste et sûr : Tu es toute belle, ma bien-aimée, et sans tache aucune (Cant.4,7). Et Saint Jean Damascène d’ajouter : « Tu es le palais de l’Esprit, la ville de Dieu, la mer de la grâce, la toute-belle et toute-proche de Dieu ».
Et quels furent donc les matériaux de ce Palais ? Les plus précieux, en vérité, car de la Mère de Dieu sortit une Pierre Noble, le Christ Vainqueur, lancée sur Goliath par la fronde royale de David. N’était-Elle pas issue d’une lignée de grands prêtres, qui offraient à Dieu des sacrifices parfumés au cèdre et au cyprès ? Son père était Joachim, le saint et juste fils de Barnaphire, dont la tribu remontait à Natan fils de David. Sa mère était la sainte et juste Anne, fille de Matthan, prêtre et descendant d’Aaron. Ainsi, la Vierge Toute-Pure était de lignée royale par son père, et sacerdotale par sa mère. Oh, de quels matériaux précieux, de quelles générations honorables le Roi de Gloire S’est-Il préparé Son vivant Palais ! Dans le temple de Salomon, la pierre et le bois étaient rehaussés de l’or le plus pur. Chez la Toute-Sainte Mère de Dieu, la noblesse royale et sacerdotale avait atteint son comble dans la chasteté de ses saints parents, plus précieuse que l’or ou l’argent le plus fin, plus honorable que les pierres les plus précieuses. « Ô, bienheureux époux Joachim et Anne ! En vérité, vous serez déclarés sans tache grâce au fruit de vos entrailles, car le Seigneur a dit : vous les reconnaîtrez à leurs fruits ! (Mt.7,14) Vous avez dirigé votre vie de façon agréable à Dieu, vous rendant digne du fruit qui naquit de vous. Vivant chastement et saintement, vous nous avez offert la Vierge, le trésor de la virginité. Elle fut Vierge en effet avant la Nativité, pendant l’enfantement indicible et encore après, toujours vierge, vierge éternellement par l’âme et par le corps. Il convenait que la virginité naquît de la chasteté et fût apportée dans la chair à la Lumière, au Fils Unique. Le couple des très pures colombes spirituelles, Joachim et Anne, après avoir gardé chastement les lois de la nature, a été divinement jugé digne du surnaturel : offrir au monde la Vierge et Mère de Dieu. Après avoir vécu pieusement et saintement selon la nature humaine, il a produit une fille supérieure aux anges qui vit à présent parmi les anges. Ô toi, la plus douce et la plus belle des filles ! Ô, lis issu de la plus noble des racines royales, tu as poussé parmi les épines ! Par toi, comme la royauté et la prêtrise se sont enrichis ! » Ces paroles de Saint Jean Damascène expriment de quels parents naquit la Mère de Dieu, de quels matériaux précieux le Palais du Roi Céleste fut édifié.
Et en quel lieu ce Palais vivant a-t-il été édifié ? En vérité, au lieu le plus élevé ! Et comme dit l’Eglise : En vérité, Tu es plus élevée que tous, Vierge pure ! Toutefois il ne s’agit pas là de la hauteur d’une montagne, mais plutôt de la hauteur des vertus et des dons accordés par Dieu.
La Vierge toute bénie est née dans une petite ville de Galilée appelée Nazareth, qui dépendait alors de la grande ville de Capharnaüm. Nazareth n’était à l’époque, ni honorée, ni glorifiée. On méprisait ses habitants, de la même façon qu’on dira plus tard du Christ : peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? (Jn.1,46) Mais le Seigneur qui vit dans les hauteurs regarde les humbles. Il souhaita que Sa Mère Toute-Sainte naquît, non pas à Capharnaüm l’orgueilleuse, qui s’élevait jusqu’au ciel, mais dans l’humble Nazareth, pour bien montrer que ce qui est élevé parmi les hommes est une abomination devant Dieu, et que ce qui est méprisé et humilié, est élevé et honorable devant Lui (Luc 16,15). Il faut noter d’ailleurs que le nom même de Nazareth évoque les hautes vertus de la Toute-Pure Vierge. De la même façon en effet, que le Seigneur préfigura par Sa naissance à Bethléem (qui signifie maison du pain) qu’Il était le pain mystérieusement descendu du ciel pour ranimer et fortifier les hommes, Il voulut exprimer des choses élevées par la naissance de Sa Mère Toute-Pure à Nazareth. Car Nazareth signifie : parée de couleurs variées, sanctifiée, séparée de la terre, couronnée et préservée. Tout ceci se manifeste clairement dans la Vierge Toute-Pure. Elle est la fleur qui pousse d’un rameau stérile et flétri, celle qui a renouvelé notre nature desséchée en sortant d’un sein âgé. Elle est la fleur qui ne fane pas, qui fleurit sans cesse par sa virginité, dont l’arôme engendre ce parfum qu’est l’Unique Roi, cette fleur qui a produit le fruit par excellence : le Christ et Seigneur. Elle est la seule qui a su faire croître la pomme parfumée. Elle a été sanctifiée par la grâce de l’Esprit Saint qui l’a couverte de Son ombre, elle plus sainte que tous les saints pour avoir enfanté le Verbe plus saint que tous les saints. Elle s’est séparée des pécheurs de la terre, car de toute sa vie, elle n’a commis aucun péché. Alors que tous disent avec David : je connais mon iniquité et mon péché est constamment devant moi (Ps.50,5), elle seule peut dire : sans iniquité j’ai conçu et j’ai suivi la voie droite (Ps.58,5). Elle est l’amendement des hommes, non seulement parce qu’elle n’a pas péché, mais aussi parce qu’elle a détourné les hommes de leurs oeuvres pécheresses. L’Eglise lui chante d’ailleurs : Réjouis-toi car tu nous as retirés du bourbier de nos oeuvres ! (Acath. ikos 5) Elle est couronnée de gloire et d’honneur, pour avoir poussé dans une lignée royale et dans la descendance d’Aaron. Elle est couronnée de gloire, car ses parents étaient chastes et justes. Elle est couronnée d’honneur par l’annonce de la bonne nouvelle prononcée par l’Archange. Son service a été couronné de la plus grande des gloires : devenir la Mère de Dieu ! Qu’y a-t-il de plus glorieux que d’enfanter Dieu, de plus honorable que d’être toujours vierge, de rester vierge après l’enfantement ? Couronnée de gloire, la Toute-Sainte est aussi plus glorieuse que les séraphins car elle a aimé Dieu plus que les séraphins. Couronnée d’honneur, la Toute-Pure est plus vénérable que les chérubins par sa sagesse et sa connaissance de la Divinité. Gloire, honneur et paix, pour quiconque fait le bien, dit l’Apôtre (Rom.2,10) Qui, parmi les créatures terrestres a mieux pratiqué le bien que la Toute-Pure Vierge ? Elle a gardé tous les commandements du Seigneur, elle a accompli toutes Ses paroles, elle a caché dans son coeur tout ce qu’Il a dit, et manifesté au prochain toutes les oeuvres de miséricorde. Elle mérite donc vraiment la couronne pour cette pratique du bien. La Mère de Dieu a également agi avec grande prudence, gardant avec soin le trésor de sa chasteté de Vierge, à tel point qu’elle ne voulut même pas se confier à l’ange : ne s’est-elle pas troublée à son arrivée, se demandant ce que pouvait bien être cette salutation ! C’est ainsi que le nom même de Nazareth manifesta toutes les vertus de la Vierge Toute-Pure.
Qui irait nier que ce palais du Christ est on ne peut plus élevé par les vertus et les dons de Dieu ? Haute, car donnée des cieux, même si elle est née d’êtres humains. Donnée des cieux, car, comme disent certains pères qui possèdent la pensée de Dieu, l’archange Gabriel est venu annoncer à Joachim et Anne la conception de la Toute Sainte Mère de Dieu, comme il allait plus tard annoncer à Zacharie la conception de Jean. Il apporta aussi du ciel le nom tout-béni à la mère stérile, disant : « Anne, tu enfanteras une fille et son nom sera Marie ». On peut aussi sans aucun doute l’appeler ville sainte, nouvelle Jérusalem qui descend du ciel, ou encore tabernacle de Dieu chez les hommes (Apo. 21,2). Et quel tabernacle élevé que celui qui s’est élevé plus haut que les séraphins en enfantant le Christ-Roi, quel sommet inaccessible à la pensée humaine ! (Acathiste, ikos5)
Et comment décrire la beauté de ce palais du Christ ? Ecoutons donc les paroles de miel de Saint Jean Damascène : « Elle fut présentée à Dieu, le Roi de tous, drapée de la beauté des vertus comme d’une tunique dorée, et parée de la grâce du Saint Esprit. La gloire de toute femme est dans son mari, mais chez la Mère de Dieu, la gloire vient du dedans, du Fruit de ses entrailles. Ô, Vierge comblée des bénédictions célestes, Sainte Eglise de Dieu édifiée spirituellement par le Créateur du monde pour en faire Sa demeure ! Tu n’es pas parée d’or ou de pierreries inanimées, mais chez toi l’Esprit luit comme l’or, et le Christ comme une perle précieuse ! De tels atours dépassent de beaucoup en beauté les ornements du temple de Salomon, les représentations délicates des chérubins, des arbres et des fleurs. Et pourtant, la Toute-Pure Vierge, ce Temple vivant, est manifestement l’image des chérubins, qu’elle a imités et même surpassés par sa vie angélique. Si la Sainte Eglise n’hésite pas à qualifier certains de ses saints de chérubins quand elle dit Saints, comment vous nommerons-nous : Chérubins, puisque le Christ S’est reposé en vous ?, alors combien plus doit-elle nommer chérubin la Mère de Dieu, puisque le Christ S’est reposé corporellement en elle, puisque Dieu S’est assis sur ses bras comme sur un trône ! La Vierge est le véritable trône des chérubins. Mais elle est aussi spirituellement l’arbre qui porte de bons fruits, l’olivier chargé de fruits dans la maison de Dieu (Ps.51,10), le dattier en fleurs, c’est pourquoi on l’appelle jardin vivifiant. L’Eglise chante d’ailleurs : d’une racine stérile, Dieu des miracles, Tu fis croître Ta Mère pour nous ».
Nous avons ici parlé de la beauté spirituelle de la Mère de Dieu. Il ne faudrait pas croire qu’elle fut privée de beauté corporelle, ainsi que l’attestent certains Pères de l’Eglise. Il n’y eut pas sur la terre de vierge plus belle que la Mère de Dieu. Quand Saint Denis l’Aréopagite la vit, il l’aurait volontiers appelée Dieu s’il avait ignoré qu’elle avait elle-même enfanté Dieu. La grâce divine qui l’habitait débordait sur son visage lumineux. C’était un véritable palais que le Roi céleste S’était préparé sur la terre, une femme belle, tant par l’âme que par le corps, une épouse qui s’est parée pour son époux (Apo.21,2). Il fit son sein plus vaste que les cieux, le Christ-Dieu que rien ne peut contenir, et prit place en elle.
Habituellement, on construit les palais très vastes, afin qu’ils puissent abriter non seulement le roi, mais aussi la multitude des serviteurs et les visiteurs arrivant des contrées lointaines. Le palais du Verbe, la toute-pure Vierge, est assez vaste, non seulement pour contenir le Dieu-Verbe, mais aussi pour accueillir la multitude des esclaves que nous sommes, accourant vers ce Dieu qui fit Sa demeure en elle. Elle contient Dieu dans son sein, mais elle nous reçoit aussi dans sa miséricorde. Si le vase d’élection, le Saint Apôtre Paul, n’hésite pas dans sa compassion à dire à ses bien-aimés « Notre coeur s’est élargi, vous n’êtes pas à l’étroit au dedans de nous » (2Cor.6,11-12), alors où trouver parmi les saints une compassion aussi grande que celle de Marie ? Chez celle qui a su abriter le Chaste, un pécheur n’est jamais à l’étroit. Le pénitent y trouve sa place, et le désespéré trouve refuge à ses côtés. L’arche de Noé n’abritait-elle pas les animaux purs comme les impurs ? La compassion de la Mère de Dieu sert de refuge, sans qu’ils s’y sentent à l’étroit, à tous les affligés, aux offensés, aux affamés, aux étrangers, aux troublés et aux malades. Celle qui enfanta pour nous le Dieu bon ne sait pas retenir sa compassion. Alors que les palais des rois de ce monde sont gardés par de nombreux hommes en armes qui filtrent les entrées et questionnent minutieusement les visiteurs, le palais vivant du Christ, entouré des chérubins, des séraphins, des innombrables choeurs des anges et de tous les saints, n’interdit à personne les portes de sa compassion miséricordieuse. Les gardes ne repoussent pas, les soldats ne questionnent pas, ne chassent pas, chacun entre librement avec sa supplique et reçoit le don qu’il demande selon qu’il lui est utile.
Accourons donc vers la miséricorde de celle qu’a jadis enfanté un sein stérile et saluons-la : réjouis-toi, palais immaculé du Roi de tous ! Réjouis-toi, demeure de Dieu le Verbe ! Qu’à Lui soit rendus par les corrompus que nous sommes, honneur et gloire dans les siècles, ainsi qu’au Père, au Saint Esprit, et à toi aussi, Fille du Père, Mère du Fils, et Epouse de l’Esprit Saint ! Amen.
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