mercredi 13 janvier 2010

VIE DU SAINT APÔTRE MATTHIEU


(Par Saint Dimitri de Rostov)

Seul sans péché, le Fils de Dieu et Dieu Lui‑même se fit semblable aux hommes pour sauver les pécheurs. Un jour, comme il sortait de Caphamaüm, il vit un dénommé Matthieu installé au péage et lui dit : « Suis‑Moi!»

Ces mots entendus par ses oreilles charnelles ayant aussi touché les oreilles de son cœur, Matthieu se leva sans tarder et abandonna tout pour suivre le Christ. Le Seigneur entra dans sa maison et il Lui servit un festin, auquel participèrent aussi ses voisins, ses amis, de nombreuses connaissances, des publicains et des pécheurs, qui se mirent à table avec Jésus et Ses disciples. Des scribes et des pharisiens se trouvant là aussi, ils virent que le Seigneur, loin de dédaigner les pécheurs, s'attablait à leurs côtés. Aussi dirent‑ils aux disciples : « pourquoi votre Maître mange‑t‑Il et boit‑t-Il avec les publicains et les pécheurs ? » Les ayant entendu, le Seigneur répondit : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes au repentir, mais les pécheurs. » Et à partir de ce moment, saint Matthieu devint le disciple et l'adepte du Christ, et fut digne d'être compté parmi les Douze Apôtres.


Saint Matthieu était fils d'Alphée et frère de Jacques. Dans les autres Evangiles il est appelé Lévi fils d'Alphée, car ses frères Evangélistes se sont efforcés de cacher son premier genre de vie de publicain derrière un nom peu connu. Mais dans son propre Evangile, saint Matthieu fait preuve d'une grande humilité en se faisant connaître à tous sous son véritable nom et en confessant devant le monde entier sa vie passée de pécheur, escomptant, par cet humble repentir, ôter aux pécheurs la honte de confesser leurs fautes et de se tourner vers le Seigneur.

Après avoir reçu le Saint Esprit, saint Matthieu fut le premier à écrire son Evangile, huit ans après l'Ascension du Seigneur, et ceci en langue hébraïque à cause des juifs qui avaient cru au Christ. Il prêcha cet évangile dans de nombreuses contrées, traversant les pays des Parthes, des Mèdes, puis faisant le tour de l'Ethiopie pour laquelle il avait été choisi par tirage au sort, afin d'y prêcher le Christ et de l'éclairer de la lumière de la connaissance. Enfin, instruit par l'Esprit Saint, il parvint sur une terre où vivait un peuple ignare, cruel, et anthropophage.

Là, dans la ville de Myrmène, il convertit quelques âmes au Seigneur, intronisa son disciple Platon comme évêque, et édifia une petite église. Puis il gravit une montagne voisine où il vécut dans le jeûne, priant Dieu avec ferveur pour la conversion de ce peuple infidèle. Le Seigneur lui apparut bientôt sous l'aspect d'un très beau jeune homme qui tenait un sceptre dans sa main. Après avoir donné la paix à l'Apôtre, Il tendit Sa main pour lui donner le sceptre, lui recommandant de descendre de la montagne et de le planter près des portes de l'église qu'il avait édifiée. « Il prendra racine par Ma force. Il deviendra un grand arbre qui donnera beaucoup de fruits qui surpasseront par leur majesté et leur douceur tous les autres fruits du verger. De ses racines jaillira une source d'eau pure, qui donnera beau visage aux anthropophages qui s'y laveront. Ceux qui goûteront ces fruits abandonneront leurs mœurs cruelles pour devenir des hommes bons et doux ».

Matthieu prit le sceptre dans la main du Seigneur, descendit de la montagne, et se rendit à la ville pour accomplir l'ordre reçu. Le prince de cette ville, un dénommé Fulvian, avait une femme et un fils qui souffraient des démons. Rencontrant l'Apôtre en chemin, ils proférèrent des menaces de leurs voix étranges et dépravées : « Qui t'a envoyé ici avec ce sceptre pour notre perte ? » Mais Matthieu interdit les esprits impurs et les chassa, si bien que ceux qui venaient d'être guéris s'inclinèrent devant l'Apôtre et le suivirent docilement. Ayant appris la venue de Matthieu, l'évêque Platon vint à sa rencontre avec le clergé. En entrant dans la ville, l'Apôtre fit ce qui lui avait été ordonné : mais à peine avait‑il planté le sceptre du Seigneur que, devant tous, le bâton devenait un grand arbre au feuillage abondant portant de grands, beaux et doux fruits, et qu'une source d'eau jaillissait de ses racines. La ville entière, qui s'était rassemblée pour un tel miracle, était dans l'étonnement. On mangea les doux fruits et on but de l'eau pure, puis le saint Apôtre Matthieu monta sur une hauteur et prêcha la Parole de Dieu dans leur langue aux gens rassemblés devant lui. Tous crurent au Seigneur et l'Apôtre les baptisa dans la source miraculeuse, en commençant par la femme du prince et son fils, qu'il venait de guérir de l'esprit malin, et finissant par le peuple des croyants. Selon la parole du Seigneur, tous les anthropophages sortirent de l'eau avec un visage beau et lumineux, recevant non seulement la guérison et la beauté du corps, mais aussi celle de l'âme, déposant le vieil homme pour revêtir le Christ, l'Homme Nouveau.

Ayant eu connaissance de ces événements, le prince se réjouit de la guérison de sa femme et de son fils, mais, poussé par le démon, il s'irrita contre l'Apôtre et imagina de le faire périr, car le peuple courait vers lui en abandonnant les dieux. La nuit suivante, le Seigneur apparut à saint Matthieu, lui intimant d'être hardi, et lui promettant d'être à ses côtés dans la tribulation qui ne tarderait pas à survenir. Au matin, alors que l'Apôtre glorifiait Dieu à l'église avec les fidèles, le prince envoya quatre soldats pour se saisir de lui. Mais lorsque ces derniers parvinrent au temple du Seigneur, des ténèbres les recouvrirent et c'est à peine s'ils surent s'en retourner. Comme on leur demandait pourquoi ils ne ramenaient pas Matthieu, ils répondirent : « Nous entendions sa voix, mais nous ne pouvions ni le voir ni nous emparer de lui ! » Le prince, irrité, envoya un grand nombre de soldats armés avec l'ordre de ramener l'Apôtre de force, quitte à tuer par l'épée quiconque leur résisterait. Mais les soldats furent tout aussi impuissants : dès qu'ils approchèrent du temple, une lumière céleste brilla sur l'Apôtre, si bien qu'ils ne pouvaient le regarder. Saisis de crainte, ils jetèrent leurs armes et s'en retournèrent en toute hâte auprès du prince pour lui raconter ce qui était arrivé. Fulvian fut si courroucé qu'il décida de se rendre lui‑même auprès de l'Apôtre avec la multitude de ses serviteurs. Mais voilà qu'en arrivant sur les lieux, il perdit la vue et dut faire appel à quelqu'un pour le guider ! Aussitôt, il demanda à saint Matthieu de lui pardonner son péché et de rendre la lumière à ses yeux. Ayant fait le signe de la croix sur les yeux du prince, Matthieu lui rendit la vue. Mais Fulvian voyait de nouveau avec les yeux du corps, sans que les yeux de son âme ne se fussent ouverts. Aveuglé par la méchanceté, il attribua le miracle à la magie, au lieu d'y voir la puissance de Dieu. Prenant l'Apôtre par la main, il le conduisit vers son palais en feignant de l'honorer, tout en gardant dans son cœur l'intention maligne de le brûler comme mage. Comprenant le secret de son cœur et ses pensées malignes, l'Apôtre dénota le prince : « Tyran insidieux, quand exécuteras‑tu le complot que tu trames ? Fais donc ce que Satan a mis dans ton cœur ! Comme tu peux le voir, je suis prêt à tout supporter pour mon Dieu! »

Le prince ordonna à ses soldats de se saisir de Matthieu. Après l'avoir étendu sur le sol le visage tourné vers le ciel, ils clouèrent à terre ses mains et ses pieds. Puis ils rassemblèrent des branches et des broussailles, apportèrent du goudron et du soufre, placèrent le tout sur leur victime et allumèrent le bûcher. Le feu partit en grandes flammes, et tous pensèrent que l'Apôtre du Christ serait consumé. Mais soudain, le brasier se refroidit et les flammes se changèrent en rosée, et on retrouva saint Matthieu vivant, glorifiant Dieu. Tout le peuple fut effrayé au spectacle d'un tel miracle et glorifia le Dieu de l'Apôtre.

Dès lors le prince n'en fut que plus courroucé, et il refusa de reconnaître la puissance de Dieu, qui avait gardé vivant et à l'abri du feu le prédicateur du Christ. Il proféra à l'égard du juste d'autres injustices, et le qualifia de mage : « C'est par la magie qu'il a éteint le feu et conservé la vie ! » Il fit rassembler de nouveau beaucoup de bois et de broussailles, puis les fit disposer sur l'Apôtre et allumer après avoir ajouté du goudron. Puis il amena ses vingt dieux d'or et les disposa autour du brasier, leur demandant leur aide afin que Matthieu ne fût pas libéré des flammes cette fois, mais réduit en cendres. Mais, au milieu des flammes,

l'Apôtre pria le Seigneur des armées afin qu'Il montrât de nouveau Sa puissance invincible, manifestât la faiblesse des dieux païens, et couvrît de honte tous ceux qui placent leur confiance en eux. Alors, dans un terrible fracas, les flammes se jetèrent sur les idoles d'or, qui fondirent comme de la cire, brûlant de nombreux infidèles qui assistaient à la scène. Des idoles brisées sortit un serpent de feu qui poursuivit le prince effrayé jusqu'à ce qu'il se décide à supplier humblement l'Apôtre de lui accorder son aide. Alors celui‑ci tança le feu qui s'éteignit aussitôt, et le serpent disparut. Le prince voulut alors relever l'Apôtre avec révérence, mais ce dernier fit une dernière prière et déposa son âme sainte entre les mains du Seigneur.

Fulvian ordonna qu'on apportât une litière d'or, sur laquelle on coucha le corps de l'Apôtre que le feu n'avait nullement entamé. Après avoir revêtu le corps du saint de vêtements de grand prix, le prince et les seigneurs prirent la litière sur leurs épaules et conduisirent l'Apôtre au palais.

Mais la foi du prince n'était pas encore parfaite. Aussi ordonna‑t-il de forger un cercueil de fer dans lequel il fit déposer le corps de l'Apôtre. Après l'avoir fait souder au plomb, il le fit jeter à la mer en disant aux seigneurs : « Si Celui qui a gardé Matthieu indemne de l'épreuve du feu le garde également de celle de l'eau, alors c'est qu'Il est en vérité le seul vrai Dieu. Alors il me faudra L'adorer et abandonner tous nos dieux, qui n'ont pas su se protéger de l'attaque du feu ! ». Le cercueil de fer contenant les précieuses reliques ayant été jeté à la mer, le saint Apôtre apparut à l'évêque Platon et lui dit : « Demain matin, rends‑toi sur le rivage situé à l'orient du palais du prince, et prends mes reliques qui auront été rejetées sur la terre ferme ! » A l'aube, l'évêque se rendit avec la multitude des fidèles sur le rivage, à l'endroit indiqué, et trouva le cercueil de fer contenant les reliques du saint Apôtre Matthieu, comme cela lui avait été annoncé dans la vision. Ayant appris la chose, le prince se rendit sur les lieux avec les seigneurs. Il crut vraiment à notre Seigneur Jésus‑Christ, et Le confessa à haute voix comme le seul vrai Dieu, qui avait gardé intact de l'épreuve du feu Son serviteur Matthieu quand il était vivant, et de l'épreuve de l'eau une fois mort. Étreignent le cercueil, il demanda pardon au saint Apôtre pour les péchés qu'il avait commis contre lui et réclama avec ferveur le baptême. Voyant la foi du prince et le zèle de sa demande, l'évêque Platon le catéchisa. Quand il l'eut dûment instruit, il lui commanda de descendre dans les eaux baptismales. Mais voici que lorsqu'il posa sa main sur la tête du catéchumène et voulut lui donner son nom, une voix venue d'en haut se fit entendre : « Ne le nomme pas Fulvian mais Matthieu ! »

Ayant ainsi reçu au baptême le nom de l’Apôtre, le prince s'efforça d'imiter ses œuvres. Il remit bientôt le gouvernement de l'état à quelqu'un d'autre, renonça à la vanité de ce monde, et se consacra à la prière dans l'église de Dieu, méritant du saint évêque Platon la dignité de presbytre. Trois ans plus tard, à la mort de l'évêque, le saint Apôtre Matthieu apparut au presbytre et l'incita à monter sur le trône épiscopal à la suite du bienheureux Platon. Ayant accepté l'épiscopat, le nouveau Matthieu œuvra dans la prédication du Christ et conduisit de nombreux païens vers Dieu. Après avoir passé de nombreuses années dans une vie agréable au Seigneur, il mourut à son tour et partit se tenir devant le trône de Dieu auprès du saint évangéliste Matthieu, avec lequel il intercède pour que nous aussi nous héritions du Royaume de Dieu pour les siècles. Amen.

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