mardi 30 juin 2009

DE LA LECTURE DE L'EVANGILE



(Saint Ignace Briantchaninov

Évêque du Caucase et de la Mer Noire)

Lorsque tu lis l’Evangile, ne recherche ni le plaisir, ni l’extase, ni les pensées sublimes : cherche à voir, sans te tromper, la sainte Vérité.

Ne te contente pas d’une lecture infructueuse de l’Evangile : efforce-toi d’en accomplir les commandements, lis-le par des actes. C’est le livre de la Vie et il faut le lire par la vie.

Ne pense pas que le très saint livre des quatre évangiles commence sans raison par Saint Matthieu pour finir par Saint Jean. Matthieu enseigne surtout comment accomplir la volonté de Dieu, et son enseignement convient particulièrement à ceux qui débutent sur la voie de Dieu. Jean, quant à lui, expose l’union de Dieu avec l’homme renouvelé par la pratique des commandements, union qui n’est accessible qu’à celui qui a réussi sur la voie de Dieu.

En ouvrant le saint Evangile, souviens-toi qu’il décidera de ton destin éternel. C’est d’après lui que tu seras jugé. Selon ton attitude vis-à-vis de lui sur la terre, tu hériteras de la béatitude éternelle ou des supplices éternels (Jn.12,48). Dieu a révélé Sa volonté à un misérable grain de poussière, l’homme ! Le livre dans lequel est exposée cette suprême et très sainte volonté est entre tes mains. Tu peux, selon ton bon vouloir, accepter ou rejeter la volonté de ton Créateur et Sauveur. Ta vie (ou ta mort) éternelle se trouve entre tes mains. Comprends donc à quel point tu dois te montrer prudent et raisonnable. Ne joue pas avec ton destin éternel !

Prie le Seigneur avec contrition qu’Il t’ouvre les yeux, afin que tu puisses voir les merveilles cachées dans Sa loi (Ps.118,18), qui n’est autre que l’Evangile. Quand les yeux s’ouvrent, l’âme guérit du péché, et cette guérison, accomplie par la Parole de Dieu, devient visible. Dans le récit évangélique, la guérison des maux corporels n’était rien d’autre qu’une preuve de la guérison de l’âme. Cette preuve était destinée aux hommes charnels aveuglés par la sensualité (Luc5,24).

Lis l’Evangile avec attention et une extrême piété. Ne considère aucun passage comme de peu d’importance, indigne d’être étudié. Chaque iota exhale un rayon de vie, et le dédain de la vie, c’est la mort. En lisant ce qui concerne les lépreux, les paralytiques, les aveugles, les boiteux, les possédés que le Seigneur a guéris, pense que ton âme, qui porte les multiples plaies du péché, qui est la captive des démons, est semblable à ces malades. Crois que le Seigneur qui les a guéris te guérira toi aussi, à condition que tu le supplies avec zèle de te guérir. Il te faut acquérir l’état de l’âme qui te rendra apte à recevoir cette guérison. Sont aptes ceux qui ont reconnu leur état de pécheur et ont décidé de l’abandonner (Jn.9, 39&41). Pour le juste orgueilleux, qui n’est autre qu’un pécheur inconscient de son état, le Sauveur devient inutile (Mt.9,13). La vision des péchés, et de la chute dans laquelle se trouve l’humanité est un don de Dieu. Obtiens ce don pour toi-même et le livre du Médecin céleste (l’Evangile) te sera plus accessible.

Efforce-toi d’assimiler l’Evangile par l’intellect et par le coeur, afin que ton intellect nage en lui, vive en lui. Alors tes actes deviendront évangéliques. On peut accéder à cet état en lisant et en étudiant l’Evangile en permanence et avec piété. Saint Pacôme le Grand, un des plus célèbres parmi les anciens pères, connaissait le saint Evangile par coeur et, à la suite d’une révélation de Dieu, imposait à ses disciples aussi de l’apprendre par coeur. C’est ainsi que l’Evangile les accompagnait partout et les guidait en permanence. Aujourd’hui encore, pourquoi les éducateurs chrétiens n’orneraient-ils pas la mémoire des innocents enfants de l’Evangile, plutôt que de l’enténébrer avec les fables d’Esope et autres nullités ? Quel bonheur et quelle richesse de mémoriser l’Evangile ! Nous ne pouvons prévoir les malheurs qui peuvent survenir au cours de notre vie terrestre. Quant l’Evangile est entré dans la mémoire, il est lu par l’aveugle, il accompagne le détenu dans sa prison, il converse avec l’agriculteur dans le champ arrosé par la sueur, il instruit le juge pendant la séance, il guide le marchand, et réjouit le malade pendant sa pénible insomnie ou sa triste solitude.

N’aie pas l’audace d’interpréter toi-même l’Evangile ou les autres livres des Saintes Ecritures ! Les Ecritures ont été composées par les prophètes et les apôtres, non pas du fait de leur volonté humaine, mais sous l’inspiration de l’Esprit Saint (2Pi.1,2). Quelle folie de les interpréter arbitrairement ! Le même Esprit Saint qui a révélé la Parole de Dieu aux prophètes et aux apôtres, a interprété cette Parole par la bouche des Saints Pères. C’est la seule interprétation qu’accepte l’Eglise Orthodoxe ! C’est la seule interprétation qu’acceptent ses véritables enfants ! Celui qui interprète arbitrairement l’Evangile, et l’Ecriture Sainte en général, rejette l’interprétation des Pères, et par là même, l’Esprit Saint. Et celui qui rejette l’interprétation des Ecritures par l’Esprit Saint rejette à coup sûr la Sainte Ecriture elle-même. Pour ces audacieux commentateurs, la Parole de Dieu, la Parole de salut, devient une mauvaise odeur de mort, un glaive à deux tranchants par lequel ils se transpercent eux-mêmes pour la perdition éternelle (2Pi.3,16; 2Cor.2,16). C’est par ce glaive que se sont donnés la mort éternelle, Arius, Nestorius, Eutychès et d’autres hérétiques, qui par un commentaire arbitraire de l’Ecriture sont tombés dans le blasphème.

Voilà sur qui Je porterai mes regards : sur celui souffre, qui a l’esprit abattu, sur celui qui craint Ma parole, dit le Seigneur (Is.66,2). C’est cette attitude que tu dois adopter en ce qui concerne l’Evangile, et le Seigneur qui s’y trouve. Abandonne ta vie pécheresse et les jouissances terrestres, renie ton âme, et l’Evangile deviendra pour toi accessible et compréhensible. Celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle (Jn.12,25). La vie dans ce monde désigne ici la vie pécheresse qui, en raison de la chute, est devenue une seconde nature. Pour celui qui aime son âme, qui ne se décide pas à renoncer à lui-même, l’Evangile est fermé. Il lit la lettre, mais la Parole de vie, en tant qu’Esprit, reste cachée derrière un voile impénétrable. Quand le Seigneur était sur la terre dans Son saint corps, nombreux étaient ceux qui Le voyaient tout en ne le voyant pas. Quelle utilité pour l’homme de regarder avec les yeux physiques, comme les animaux, si les yeux de son âme, l’intellect et le coeur, demeurent fermés ? Nombreux sont ceux qui aujourd’hui encore lisent l’Evangile quotidiennement, mais ne le connaissent pas. Saint Marc l’ascète rapporte les paroles d’un saint ermite, qui disait que l’intellect ne comprend l’Evangile qu’au fur et à mesure qu’il en accomplit les commandements par les actes. Par ses propres efforts, l’homme ne peut atteindre l’exacte et parfaite compréhension de l’Ecriture, car ceci est un don de Dieu.

Quand l’Esprit Saint fait Sa demeure dans Son véritable et fidèle serviteur, Il fait de lui un lecteur parfait, un homme qui met l’Evangile véritablement en pratique. L’Evangile est l’icône des propriétés de l’Homme nouveau, du Seigneur du ciel (1Cor.15,48). Cet Homme nouveau est Dieu par nature. Il S’est acquis un peuple qui croit en Lui, transfiguré par Lui, dont Il fait des dieux par la grâce. Vous qui vous vautrez dans la sale et malodorante mare du péché, vous trouverez en Lui la réjouissance ! Levez la tête et contemplez la pureté du ciel, votre place est là ! Dieu vous offre la dignité de dieu ! Et voilà que vous renoncez à cette dignité pour choisir celle des bêtes, et de surcroît, des plus impures ! Reprenez-vous ! Abandonnez le bourbier malodorant, purifiez-vous par la confession des péchés ! Lavez-vous dans les larmes du repentir ! Parez-vous des larmes d’attendrissement ! Relevez-vous de la terre pour monter aux cieux ! C’est l’Evangile qui permettra cette ascension. Pendant que vous avez la lumière de l’Evangile dans lequel le Christ est caché, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de la Lumière qui n’est autre que le Christ ! (Jn.12,36)

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