mardi 20 janvier 2009

DE LA PATIENCE (SAINT EPHREM LE SYRIEN)


Celui qui désire plaire à Dieu et devenir Son héritier par la foi, qui souhaite être appelé fils de Dieu et naître de l'Esprit Saint, doit avant tout s'engager dans la voie de la magnanimité et de la patience, et supporter courageusement les tribulations qu'il rencontre, les malheurs et les besoins, les maladies, les outrages et les offenses des hommes, et les diverses afflictions invisibles dressées contre son âme par les esprits malins. Ces derniers cherchent en effet à provoquer l'affaiblissement, la négligence et l'impatience, afin d'obstruer l'accès à la Vie. Tout ceci est permis par Dieu dans Son économie. Il veut que toute âme soit éprouvée par différentes tribulations, afin que soit manifesté l'amour qu'elle a pour Lui. Le courage de l'âme qui supporte ce que le malin lui envoie sans perdre espoir, en attendant patiemment et avec foi d'être libérée par la grâce, est la preuve de cet amour. C'est par ce courage que l'âme atteint l'état qui lui permet de supporter toutes les épreuves. En accédant ainsi à la promesse, elle devient digne du Royaume.
Pour cela, elle doit porter quotidiennement sa croix, suivant la parole du Seigneur (Mt.10,38). Elle doit être prête à supporter pour le Christ toutes sortes de tentations et de tribulations, manifestes ou secrètes, et s'affermir constamment dans le Seigneur par l'espérance. Car le Seigneur a le pouvoir de permettre que l'âme soit soumise à la tribulation, mais aussi celui de la libérer des tentations et des afflictions. Si, au lieu de s'armer de courage et de fermeté dans les épreuves et les tribulations, elle s'afflige, se décourage, s'indigne, s'inquiète, et néglige l'exploit spirituel, allant même jusqu'à désespérer de la libération, c'est qu'elle n'a pas une foi inébranlable en la grâce de Dieu : elle ne sera certainement pas jugée digne de la Vie, comme le furent tous les saints qui suivirent les traces du Seigneur. On comprend alors quel intérêt le malin trouve à la précipiter dans l'acédie et la négligence.
Regardez et observez comment, depuis les temps anciens, les Patriarches, les Prophètes, les Apôtres, les Martyrs et les Pères se sont rendus agréables à Dieu sur cette voie des tribulations et des afflictions. En supportant courageusement des situations difficiles, ils se réjouissaient dans l'espérance de la rétribution : « Si tu prétends servir le Seigneur, prépare-toi à l'épreuve, fais-toi un coeur droit, arme-toi de courage »(Sirah 2,1-2); « Si vous êtes exempts du châtiment auquel tous ont part, vous êtes des enfants illégitimes et non des fils » (Hb.12,8). Tout ce qui vous advient, acceptez-le comme un bien sachant que rien n'advient sans Dieu; « Bienheureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal à cause de Moi. Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux »(Mt.5,11); « Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice car le Royaume des cieux est à eux »(Mt.5,10). Ces paroles concernent ceux qui sont ouvertement persécutés par les hommes, et également ceux qui sont secrètement persécutés par les esprits malins. Ces derniers combattent ceux qui aiment Dieu par diverses tribulations, pour les empêcher d'entrer dans la Vie. Ces tribulations peuvent aller jusqu'à l'exil, mais, en patientant, en gardant la confiance jusqu'à la fin, en témoignant de son espérance de la libération, l'âme éprouvée montre qu'elle aime vraiment Dieu. En revanche, l'âme angoissée, négligente, à l'espérance faiblissante, montre qu'elle n'aime pas Dieu véritablement. Les diverses tribulations et tentations révèlent les âmes méritantes, celles qui ont la foi, l'espérance et la patience. De cette manière, si une âme s'avère digne, fidèle et méritante, si elle patiente jusqu'à la fin, si elle garde l'espérance de la foi, alors elle sera libérée, et, par grâce, elle héritera du Royaume en toute justice.
Il convient donc qu'une âme qui désire plaire à Dieu garde avant tout une patience pleine de courage et d'espérance, qui lui permettra de résister à toute tribulation et toute attaque du malin. Dieu ne permet pas qu'une âme qui espère patiemment en Lui soit tentée jusqu'au désespoir, ou bien qu'elle doive affronter des tentations et des tribulations insupportables : « Dieu Qui est fidèle ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces »(1Cor.10,13). Le malin ne peut tenter l'âme ou l'accabler de tribulations à sa guise, mais seulement dans les limites fixées par Dieu. L'âme doit supporter courageusement et demeurer dans l'espérance de la foi; elle doit attendre de Dieu aide et assistance, en sachant qu'il est impossible qu'elle soit abandonnée. Plus l'âme accomplit ses exploits en ayant recours à Dieu dans la foi et l'espérance, attendant de Lui sans douter soutien et libération, plus vite le Seigneur la libérera des afflictions qui l'envahissent. Dieu sait dans quelle mesure l'âme doit être soumise à l'épreuve de la tentation, et Il l'autorise précisément dans cette juste mesure. L'âme doit cependant patienter jusqu'à la fin sans céder à l'accablement, car il est dit : « L'affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l'épreuve et cette victoire, l'espérance. Or l'espérance ne trompe point »(Rom.5,3-5). « Nous nous recommandons en tout comme serviteur de Dieu, par beaucoup de patience dans les tribulations, dans les calamités, dans les détresses »(2Cor.6,4). « Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé »(Mt.10,22). « Par votre patience vous sauverez vos âmes »(Luc21,19). « Qui donc, confiant dans le Seigneur, a été confondu ? Ou qui, persévérant dans Sa crainte, a été abandonné ? Ou qui L'a imploré sans avoir été écouté ? »(Sirah2,10).
Il n'y a pas besoin d'une grande intelligence pour juger du poids que peut porter une bête de somme, comme le mulet ou le chameau. Le potier sait qu'il faut mettre le vase au four pour durcir l'argile, il sait aussi combien de temps la cuisson doit durer, il connait la limite à ne pas dépasser pour ne pas gâcher irrémédiablement son ouvrage. Puisque les hommes ont tant de discernement et de connaissances pour juger des choses visibles, comment douter que Dieu, dans Son inconcevable sagesse (Lui Qui est d'ailleurs la Sagesse parfaite), ne mesure avec exactitude quelle quantité d'épreuves et de tentations les âmes qui veulent Lui être agréables et hériter de la vie éternelle doivent supporter dans la patience, le courage, l'empressement et l'espérance ?
Pour pouvoir tiller les fils les plus fins, il faut macquer le chanvre de nombreuses fois; plus il est broyé, plus il devient pur et bon pour le tillage. Une âme qui aime Dieu et qui supporte courageusement de nombreuses épreuves, tentations et tribulations, se purifie comme le chanvre, s'adapte plus facilement à l'affinage spirituel, et devient digne d'hériter le Royaume Céleste.
Un vase fraichement modelé qui vient d'entrer au four est inutilisable. Un petit enfant est inapte au monde des adultes car il ne peut ni construire des villes, ni planter, ni semer, ni accomplir aucune autre tâche utile. L'âme qui vit sa petite enfance spirituelle est maintenue par la grâce de Dieu dans la jouissance et le repos de l'esprit, à l'écart des tentations et tribulations infligées par les esprits malins qui pourraient révéler sa patience. Elle ne convient pas au Royaume car il est dit : « Si vous êtes exempts du châtiment auquel tous ont part, vous êtes des enfants illégitimes et non des fils »(Hb.12,8). Les tentations et les tribulations sont utiles, elles rendent l'âme ferme et apte, à condition qu'elle supporte tout ce qui lui advient avec courage, bonne volonté, confiance en Dieu, espérance, et foi inébranlable dans sa libération par la miséricorde du Seigneur. Il est impossible qu'elle ne reçoive pas la promesse de l'Esprit et l'affranchissement des passions coupables, pourvu qu'elle s'en rende digne par sa fidélité et sa patience, en espérant jusqu'à la fin dans le Seigneur.
Les saints martyrs ont supporté de nombreuses souffrances, ils se sont approchés de la mort en espérant dans le Seigneur, ils ont gardé une foi droite et, montrant ainsi leur aptitude, ils ont été dignes de recevoir les couronnes de Vérité. Ceux qui endurèrent davantage de souffrances, ou les plus pénibles d'entre elles, acquirent une gloire plus grande et une plus grande audace devant Dieu. Ceux qui, en revanche, par crainte des tribulations et des flagellations, renièrent la foi avant la fin, furent lâches ici-bas et seront confondus le jour du jugement.
Il en va de même pour les âmes qui sont livrées aux tribulations pour subir le martyre invisible de la part des esprits malins. Elles sont écrasées sous le fardeau intérieur des tentations et des pensées malignes, ou encore des souffrances corporelles manifestes. Si elles patientent courageusement et espèrent la rétribution du Seigneur, alors la couronne de vérité sera méritée, et avec elle la délivrance intérieure, et la même audace devant Dieu le jour du jugement que celle des martyrs. La souffrance est en effet la même. Pour les unes, elle vient sur la croix; pour les autres, elle vient des esprits malins qui agissent dans le secret. Plus grandes sont les tribulations et les attaques du malin supportées jusqu'au bout dans l'espérance, plus grande sera la gloire auprès de Dieu. Dès ici-bas, selon la force de leur espérance, elles reçoivent la consolation de l'Esprit, et là-haut, elles deviennent héritières des biens éternels du Royaume. En revanche, les âmes qui cèdent à la peur et à la négligence, à l'impatience et au désespoir (faute d'avoir supporté les tribulations), qui s'écartent du droit chemin et n'attendent pas jusqu'au bout la miséricorde de Dieu, qui en somme se révèlent injustes, comment pourraient-elles trouver la Vie éternelle ? Car en face du Seigneur qui est mort pour nous, toute âme se doit d'être courageuse jusqu'à la mort, de patienter jusqu'à la fin, et de garder l'espérance en Celui qui peut la rendre digne du salut éternel.
Tous ceux qui désirent être affranchis de la géhenne éternelle dans laquelle souffrent les pécheurs et trouver le Royaume doivent supporter constamment ici-bas les tribulations infligées sous la forme des tentations du malin. S'ils supportent jusqu'à la fin, s'ils attendent avec foi la miséricorde du Seigneur, alors la grâce les libère des tentations et des tribulations, ils deviennent capables de communier intérieurement à l'Esprit Saint, et ils échapperont à la géhenne dans la vie future pour hériter du Royaume du Seigneur. Le Seigneur Lui-même a dit que tel est le chemin qui mène à la Vie, étroit et resséré, et c'est pourquoi il y en a peu qui le suivent.
Puisqu'un tel espoir et de telles promesses nous sont donnés par Dieu Qui est fidèle, supportons courageusement tout soulèvement du malin et toute tribulation, dans l'espérance de ce qui nous est préparé aux cieux. Quelles que soient les tribulations que nous supportons pour le Seigneur, elles ne peuvent être comparées ni à la vie éternelle qui nous est promise, ni à la consolation que l'Esprit Saint envoie d'en-haut aux âmes qui patientent, ni à la libération des ténèbres du péché, ni à la remise de la dette que nous avons contractée pour la multitude de nos transgressions. « Nous sommes jugés, nous sommes châtiés par le Seigneur afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde ». « Les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous »(Rom.8,18). Soyons prêts, comme de courageux soldats, à mourir pour notre Roi. Lorsque nous étions dans le monde à vaquer aux choses du monde, nous n'avions pas tant à supporter, nous n'étions pas soumis à de telles tribulations, mais à présent, le malin dresse tout ceci contre nous car nous avons décidé d'être agréables à Dieu. Nous supportons tout ceci pour le Seigneur car le malin nous envie, il s'efforce de nous détourner du chemin de la Vie, de nous affaiblir, de nous inciter à la négligence, afin que nous ne soyons pas sauvés en ayant été agréables à Dieu. Cependant, le malin a beau s'élever contre nous, nous pouvons toujours acquérir le courage par la patience. Si nous demeurons fermes, zêlés et attentifs, si nous promettons de supporter tout jusqu'à la mort elle-même par espérance dans le Christ, alors toutes les astuces de l'ennemi seront anéanties : le Christ sera notre défenseur, Il donnera aux affligés que nous sommes la patience et le Royaume en rétribution de nos efforts, Il couvrira nos ennemis d'opprobre. Soyons semblables à l'enclume : même si on nous frappe, ne montrons pas sur nous-mêmes les marques de la flagellation des tentations, de la négligence ou de l'acédie. Quand nous recevons des coups, quand nous sommes soumis à la persécution, vainquons l'adversaire par la patience.
Le Seigneur a accompli Son exploit en étant flagelé, outragé, chassé, raillé, couvert de crachats, soumis par les iniques à la mort honteuse de la croix. Il a supporté tout cela pour notre salut, en nous indiquant la voie à suivre, nous montrant que, de même que Lui-même avait marché sur le chemin des tribulations, des tentations, et de la mort, il faudrait que ceux qui croient en Lui et souhaitent devenir Ses héritiers fassent la même chose. Il subit de nombreuses souffrances, mourut sur la Croix, puis condamna et mit à mort le péché, dépouillant les forces adverses en se dépouillant de Sa chair : « Il a dépouillé les dominations et les autorités » sur la croix, « Il les a livrées publiquement au spectacle en les traînant dans Son cortège »(Col.2,15). Nous devons aussi supporter tout soulèvement du malin et toute tribulation avec courage, jusqu'à la mort s'il le faut. Si nous nous opposons à l'adversaire dans la foi, la patience et l'espérance dans le Seigneur, si nous parvenons ainsi à nous rendre dignes ici-bas déjà d'être libérés et d'être remplis de la sainteté de l'Esprit Saint, alors nous hériterons là-bas de la Vie éternelle. Dans la vie spirituelle, la victoire sur l'adversaire s'acquiert par les souffrances et la mort pour le Seigneur.
C'est pourquoi il ne faut pas que nous trouvions pénibles et cruelles nos tentations et nos tribulations. Au contraire, elles devraient nous paraître légères. Opposons-nous à tout soulèvement de l'ennemi en ayant toujours la mort du Seigneur devant nos yeux et, comme le Seigneur l'a dit Lui-même, en portant quotidiennement notre croix, c'est-à-dire la mort. Suivons-Le et supportons de bonne grâce toute tribulation, cachée ou extérieure. Si nous nous attendons à affronter la mort elle-même pour le Seigneur, si nous la désirons et l'avons constamment sous les yeux, alors il sera facile de supporter de bon gré et avec joie toute tribulation, aussi pénible soit elle. Si au contraire, nous manquons de patience et trouvons nos tribulations pénibles, c'est que nous n'avons pas constamment devant les yeux la mort du Seigneur, et que notre pensée n'est pas fixée sur Lui avec amour. Celui qui désire être l'héritier du Christ doit donc désirer souffrir comme le Christ Lui-même a souffert. On reconnaît ceux qui aiment le Christ à ce qu'ils supportent toute tribulation avec courage et espérance dans le Seigneur. Prions donc le Seigneur de nous accorder le discernement afin de pouvoir reconnaître Sa volonté, de pouvoir l'accomplir avec zèle, patience et magnanimité, avec la joie que Lui-même nous accorde pour nous affermir dans les oeuvres agréables à Dieu. Puissions-nous ainsi nous montrer aptes et dignes de Lui, et trouver le salut éternel en Jésus-Christ, notre Seigneur, à Qui reviennent toute gloire, puissance et force dans les siècles des siècles, amen !
De quoi les gens négligents, paresseux et indifférents pourront-ils se vanter ? De leur mollesse, de leur insouciance, de leur perdition ? Malheur à eux pour leur négligence ! Venez, mes amis ! Faisons un effort ! Prosternons-nous devant Dieu, ne cessons pas de pleurer, versons devant Lui des larmes afin qu'Il accorde à nos âmes l'illumination ! Comprenons les astuces de notre ennemi et adversaire, qui hait le bien et dispose sur notre chemin les tentations et les scandales, les nuisances et l'avidité, les présomptions de ce siècle, le plaisir charnel, l'illusion d'une vie terrestre éternelle, la crainte de l'ascèse, la paresse dans la prière, la somnolence dans les psalmodies et le repos corporel ! Plus il se donne du mal, et plus nous sommes négligents et insouciants ! Plus il est astucieux, et plus nous sommes paresseux, tout en sachant que nos jours sont comptés, que le moment approche où le Seigneur de gloire viendra dans Sa magnificence et Sa beauté, avec les Puissances de Son Royaume, afin de rétribuer chacun selon ses oeuvres ! Je crains, mes frères, que ne s'accomplisse pour nous la parole du Seigneur : « Il en viendra de l'orient et de l'occident, du nord et du midi, et ils se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des Cieux, tandis que les fils du Royaume seront jetés dehors ! »(Mt.8,11-12).
Je T'en prie, Ô Christ, Lumière de Vérité, Image du Père Béni et Rayonnement de Sa Personne, Toi qui sièges à la droite de Sa majesté, Fils inconcevable, Christ Dieu inconcevable, Gloire et Joie de ceux qui T'aiment, Christ ma vie, sauve le pécheur que je suis, et dans Ton Royaume, ne me rétribue pas selon mes oeuvres, mais sauve-moi par Ta grâce, sois miséricordieux envers moi dans Ta bonté, Toi qui es béni et glorifié dans les siècles des siècles ! Amen.

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