( Extrait du journal de Saint Jean de Cronstadt )
Dieu a tout créé pour toi, mais toi, que fais-tu pour toi-même ? Dieu t’a fait don de la raison, du libre arbitre, de la conscience, des forces nécessaires à la piété, des biens matériels. Et toi, tu n’en fais rien, tu détériores ta nature, et tu utilises les dons de Dieu pour ta propre perdition !
La vie présente est destinée au combat et à l’exploit spirituel ininterrompu. La vie future sera le temps du repos, du triomphe, de la joie, et de la béatitude. Il y a là matière à lutter jusqu’au sang !
Le Royaume de Dieu, de la sainteté, de la justice et de la miséricorde grandit chez le croyant qui se repent, qui prie, et qui fait le bien. Il croît régulièrement jusqu’à atteindre la pleine maturité, tel le grain de sénévé qui devient un arbre puissant aux branches abondantes. De la même façon, le royaume du diable, de l’injustice, de la malignité, de l’orgueil, de l’envie, de l’impureté, de la méchanceté, de l’acédie, se développe jusqu’à devenir un arbre du mal qui écrase totalement l’homme, ce qui advint à Judas le traître.
« Le Royaume des Cieux est au-dedans de vous » (Luc17,21), c’est-à-dire la justice, la pureté, la sainteté, l’amour, la miséricorde, la douceur, l’humilité, la mansuétude, la patience, le courage, la simplicité et les autres vertus. De la même façon, le royaume de l’ennemi peut aussi être au-dedans de nous. Le devoir de chaque chrétien est de lutter constamment contre ses passions et ses mauvaises tendances. Avec l’aide de Dieu, il parviendra à déraciner de son coeur les différentes passions et à planter dans son âme la prière incessante, la pensée de Dieu, l’humilité, la douceur, la mansuétude et toutes les autres vertus.
Il faut constamment résister à la violence des passions, surtout à l’amour de soi, au plaisir, à l’attrait des choses extérieures, au repos de la chair qui incite l’homme à ne vivre que pour lui-même et pour sa maison, en oubliant d’assister son prochain.
Un même homme est capable des pensées, des sentiments et des actes les plus élevés, les plus pieux et les plus saints, mais également des plus stupides, des plus bas, des plus iniques et des plus impurs. Du plus élevé au plus bas, du plus fondamental au plus futile, de la vertu au péché, il n’y a souvent qu’un pas. C’est ainsi que l’homme, pourtant créé à l’image de Dieu, peut, à cause de la corruption de sa nature déchue, être double, inconséquent, sans plus de fermeté qu’un roseau agité par le vent des esprits malins et des passions. Suivant les circonstances, un même homme peut être courageux ou timide, bon ou méchant, simple ou malin, noble ou vil, zélé ou paresseux, compatissant ou insensible, généreux ou avare (jusqu’à devenir stupide, tatillon et larde), respectueux ou insolent, tendre ou grossier, obéissant ou têtu. Comment pourrait-on être dirigé par un tel homme? Il faut d’abord apprendre à se diriger soi-même, puis ensuite, si nécessaire, diriger les autres.
Dans le chrétien cohabitent deux ennemis : l’ancien Adam et l’homme nouveau du Christ. Ce sont plus exactement deux directions de l’esprit, du coeur et de la volonté. D’un côté, le monde terrestre, pécheur, passionné et mortel, de l’autre le monde céleste, saint, paisible et destiné à la Vie. Le libre arbitre peut se tourner vers la sagesse et l’intelligence, ou bien se montrer insensé et stupide. Il peut se montrer raisonnable ou fuir toute bonne entreprise. En bref, il peut se plier à la volonté du Créateur, et à Ses bons et sages préceptes, ou au contraire s’associer aux complots méchants, malins et pernicieux du diable.
Certains hommes, même des spirituels, sont volontiers prêts à rendre des services contre une bonne rétribution, mais murmurent et s’irritent si le salaire est minime. Ils rendent volontiers visite à des gens bien portants et de belle apparence, mais fréquentent à contre coeur et parfois même avec dégoût les infirmes, les malades ou les gens laids, alors qu’ils devraient se rendre chez eux avec amour et compassion. Ils saluent leurs bonnes et aimables connaissances mais évitent les inconnus ou les gens désagréables. Ils embrassent leurs amis mais méprisent leurs ennemis. Ils prêtent attention aux beaux mais se détournent des laids.
En règle générale, l’homme passe son temps à se contredire, à contredire son esprit, sa conscience et Dieu Lui-même. Il pense d’une façon et agit d’une autre, et se rend désagréable à Dieu. Voilà la maladie de l’homme. Sa tâche consiste donc à s’amender, à rechercher le bien, la simplicité, la bonté, la justice, l’impartialité, la pureté du coeur et une volonté ferme qui ne se laissera pas fléchir par le mal.
Qu’est-ce que l’attachement de l’âme aux biens matériels, à l’or, à l’argent, aux pierres précieuses, aux tissus chatoyants, aux beaux visages ? C’est un adultère qui rend indigne de Dieu. Si l’âme ne repousse pas tout cela, si elle ne le considère pas comme poussière, elle cessera d’aimer Dieu, se refroidira, se négligera et finira par s’éloigner du Seigneur.
« Faites mourir vos membres terrestres, l’impudicité, l’impureté, les passions, les mauvais désirs et la cupidité qui est une idolâtrie »(Col.3,5). Quelle est la source du mal? C’est le coeur lui-même, qui doit être purifié à chaque instant. Pourquoi ton coeur est-il froid comme la pierre? C’est parce que tu as abandonné la prière qui entretient le feu de la grâce, le feu qui illumine, réchauffe et vivifie l’âme et le corps. Lorsque tu priais encore avec sincérité, lorsque tu t’efforçais d’accomplir cette oeuvre sainte, la lampe brillait chez toi de toute son huile spirituelle, et dans ton âme il faisait chaud, tout était joyeux, paisible et épanoui. Mais lorsque tu as négligé la prière, tu es devenu froid, vide, insatisfait et sans vie.
Chaque jour, je vaincs les passions par le Nom du Seigneur. Par le repentir et l’invocation fervente du Nom de Jésus-Christ, je trouve le salut, je suis purifié, illuminé, sanctifié et apaisé. Ce Nom merveilleux et salutaire m’apporte la plus grande consolation. Combien de péchés hideux et absurdes se trouvent en moi ! La paresse, l’amour de moi-même, la pitié pour moi-même, la concupiscence, la gourmandise, la volupté, les pensées impures, l’envie, la cupidité, la vanité, l’orgueil, la vantardise, la malignité, l’irritation, la lâcheté, le découragement...Celles-ci et combien d’autres, qui n’ont pas encore diminué en moi comme il est dit dans la prière du Métaphraste. Voilà quel monstre je suis ! Quel homme mauvais et répugnant ! Il est vrai que je pleure souvent sur mes péchés, que je me réconcilie avec Dieu et avec ma conscience, il est vrai aussi que souvent, « mon pied a tenu ferme dans le bon chemin »(Ps.25,12), mais est-ce pour longtemps ? Non ! Seulement jusqu’à la prochaine occasion, jusqu’à la prochaine tentation. De nouveau je vais retomber dans les mêmes péchés. Il est vrai que je me garde des péchés grossiers et impudents, mais ne serais-je pas tombé dans ceux-là aussi si Dieu, dans Sa sainte providence, ne me gardait d’en rencontrer les occasions ? Il y a chez moi une attirance très forte pour toutes sortes de péchés. Seigneur, « de ceux qui sont cachés en moi, purifie-moi, et de ceux qui me sont étrangers préserve Ton serviteur ! »(Ps.18,13).
L’homme qui fait l’oeuvre des passions est un idolâtre. Ses passions sont ses idoles et lui-même est sa propre idole, selon les paroles du grand canon de Saint André de Crète. Il sert ces idoles et reçoit la mort intérieure comme rétribution, les ténèbres extérieures l’empêchent de voir clair sur lui-même. Par exemple, celui qui aime les profits nourrit en lui-même le serpent de l’amour de l’argent, il le dorlote et en oubliant d’aimer Dieu et son prochain. Pendant qu’il amasse les richesses, une multitude de pauvres souffre, meurt de faim, de froid et de maladie devant ses yeux. Il n’éprouve aucune compassion car sa cupidité a étouffé chez lui tout sentiment. La parabole du mauvais riche (Luc16,19-31) montre clairement la dureté de coeur et l’insensibilité de cet homme qui vit dans le luxe à côté des souffrances du pauvre Lazare. Il en va de même pour le débauché. Il dépense ses biens chez les femmes adultères pour satisfaire ses passions honteuses, comme le fils prodigue (Luc15,11-32), et s’abstient d’employer ses ressources à aider les pauvres. Et qu’en est-il de celui qui s’habille avec luxe, qui orne son intérieur d’objets précieux et de tableaux, qui n’hésite pas à dépenser des centaines de milliers de roubles pour son plaisir alors qu’il renonce à donner aux pauvres quelques kopecks ?
Mais cet amour démesuré de soi et de sa chair se manifeste avant tout chez l’homme par le désir d’apporter du repos à son corps, de le dorloter de toutes les façons : par la nourriture, la boisson, le sommeil prolongé dans un lit douillet équipé de coussins moelleux, la paresse de faire le signe de la croix, de dire des prières et de méditer ces prières, de les sentir avec le coeur, d’élever le coeur vers Dieu, et de diriger sa liberté vers l’accomplissement de la sainte, juste, sage, entièrement bonne, éternelle et bienheureuse volonté du Seigneur. A tout cela s’ajoute encore l’oubli de penser à ce qui arrive après la mort. Cet amour de soi et cette recherche des satisfactions se retrouve encore dans nos relations avec nos proches que nous oublions d’aider dans leurs besoins spirituels et matériels, et dont nous cherchons à tirer profit ou rétribution. Il nous conduit aussi à nous irriter contre les pauvres et à nous attrister de devoir les servir plus que prévu, alors que nous devrions nous réjouir de leur apporter bien-être et tranquillité dans leur indigence et leur malheur, et par là-même attirer la miséricorde divine car « les miséricordieux obtiendront miséricorde »(Mt.5,7). Notre Seigneur Jésus-Christ, le divin Initiateur du combat, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin »(Jn.13,1) et « a souffert sur la croix et méprisé l’ignominie »(Hb.12,2). Mais nous, nous n’avons aucune constance dans l’amour à cause de notre penchant pour nous-mêmes et pour notre chair. Nous ne persévérons pas dans l’amour du prochain et y renonçons si nous n’y trouvons plus de profit mais une nuisance matérielle, des soucis, des chagrins ou des désagréments. C’est pourquoi le chrétien est obligé irrévocablement de « crucifier sa chair avec ses passions et ses convoitises »(Gal.5,24), de s’exercer dans la pratique des oeuvres d’amour car « les oeuvres le suivent »(Apo.14,13) pendant sa vie et après sa mort. Chacune de ses oeuvres le glorifiera ou le couvrira de honte.
Comme l’envie est folle et absurde ! Comme toutes les passions, l’envie est insensée, aveugle, pleine de trouble et de tristesse, de honte et de perdition. Voyez cet homme riche et puissant, qui possède tout ce qu’il lui faut : découvrant chez son voisin un bel objet utile ou même complètement inutile, qu’il n’a pas encore ou qu’il a de moins bonne qualité, et le voilà saisi par l’envie, le dépit, l’animosité et l’inimitié. Quelle stupidité, quel aveuglement, quelle folie, quel manque d’amour et quelle passion ! Qu’est-ce qui est le plus digne d’amour, l’homme raisonnable, libre, doué d’une âme et créé à l’image de Dieu, ou bien un objet inanimé, mort, corruptible, même s’il est utile et qu’on peut l’acquérir, ou mieux encore, s’en passer pour trouver la tranquillité qu’avait l’envieux avant d’aller chez son voisin? Souvenons-nous d’Achab et de Naboth son sujet (1Rois21) qui avait un jardin jouxtant celui du roi. Ce jardin plut au roi qui le convoitait. Prisonnier de l’envie, le roi ne mangeait plus, ne dormait plus : comment son voisin pouvait-il avoir un jardin magnifique et pas lui ? Le roi en perdit la tête et conçut l’idée que Naboth devrait lui céder l’héritage de ses ancêtres. Sa femme l’aida à parvenir à ses fins en calomniant et en tuant le pauvre Naboth. Ne pourrions-nous pas facilement trouver un tel Achab parmi nous ? Gardons-nous de l’envie ! Contentons-nous du « seul nécessaire » en rendant grâce à Dieu, le Donateur des biens. Reconnaissons que nous ne sommes même pas dignes d’utiliser ce que Dieu nous donne dans Sa miséricorde. Efforçons-nous d’aller vers le « seul nécessaire », l’amour du prochain, une bonne disposition à son égard, une préoccupation permanente de son bien-être, de sa piété, du salut de son âme immortelle. Nous sommes envieux des divers biens de ce monde, nous envions les riches qui vivent dans l’abondance, nous envions la beauté humaine, surtout celle des femmes que nous convoitons, mais : « Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère avec elle dans son coeur »(Mt.5,28). Nous envions les riches demeures, les marbres, les tableaux, les statues, les splendides intérieurs, leur beauté, et leurs proportions harmonieuses. Nous envions les calèches et les beaux attelages, les distinctions honorifiques, le haut rang, les rétributions, les bons postes et les bons salaires. Y a-t-il quelque chose que nous n’envions pas, chacun dans sa condition et son état, Et pourquoi ? Parce que nous n’avons pas dans nos âmes le « seul nécessaire », Dieu Lui-même; nous ne possédons pas le trésor de vie qui se suffit à lui-même et que possédait le roi David qui disait : « Qu’y a-t-il pour moi dans le ciel ? Ai-je désiré autre chose que Toi sur la terre ? Mon coeur et ma chair ont défailli : Ô Dieu, Tu es le Dieu de mon coeur et mon partage pour l’éternité » (Ps.72,25-26). « Tu as donné un héritage à ceux qui craignent Ton Nom »(Ps.60,6), cet héritage, c’est Toi-même ! Efforçons-nous d’accueillir Dieu dans nos coeurs et de l’y garder toujours. Ne désirons pas les biens corruptibles et temporels qui ne rassasient pas l’âme immortelle mais lui apportent une soif corruptrice et la rendent stupide et douloureuse, qui causent des injustices, offensent le prochain et attentent à sa sécurité, à son honneur, à la pureté de son âme et de son corps. Seul Dieu peut pleinement satisfaire la soif de notre âme, lorsque nous L’approchons avec la foi et l’amour, le repentir, une prière fervente, la vertu, et l’amour du prochain. Lui-même déversera cet amour dans nos coeurs. Il faut aspirer à cet amour de toutes nos forces et l’estimer davantage que tous les trésors.
Dieu a tout créé pour toi, mais toi, que fais-tu pour toi-même ? Dieu t’a fait don de la raison, du libre arbitre, de la conscience, des forces nécessaires à la piété, des biens matériels. Et toi, tu n’en fais rien, tu détériores ta nature, et tu utilises les dons de Dieu pour ta propre perdition !
La vie présente est destinée au combat et à l’exploit spirituel ininterrompu. La vie future sera le temps du repos, du triomphe, de la joie, et de la béatitude. Il y a là matière à lutter jusqu’au sang !
Le Royaume de Dieu, de la sainteté, de la justice et de la miséricorde grandit chez le croyant qui se repent, qui prie, et qui fait le bien. Il croît régulièrement jusqu’à atteindre la pleine maturité, tel le grain de sénévé qui devient un arbre puissant aux branches abondantes. De la même façon, le royaume du diable, de l’injustice, de la malignité, de l’orgueil, de l’envie, de l’impureté, de la méchanceté, de l’acédie, se développe jusqu’à devenir un arbre du mal qui écrase totalement l’homme, ce qui advint à Judas le traître.
« Le Royaume des Cieux est au-dedans de vous » (Luc17,21), c’est-à-dire la justice, la pureté, la sainteté, l’amour, la miséricorde, la douceur, l’humilité, la mansuétude, la patience, le courage, la simplicité et les autres vertus. De la même façon, le royaume de l’ennemi peut aussi être au-dedans de nous. Le devoir de chaque chrétien est de lutter constamment contre ses passions et ses mauvaises tendances. Avec l’aide de Dieu, il parviendra à déraciner de son coeur les différentes passions et à planter dans son âme la prière incessante, la pensée de Dieu, l’humilité, la douceur, la mansuétude et toutes les autres vertus.
Il faut constamment résister à la violence des passions, surtout à l’amour de soi, au plaisir, à l’attrait des choses extérieures, au repos de la chair qui incite l’homme à ne vivre que pour lui-même et pour sa maison, en oubliant d’assister son prochain.
Un même homme est capable des pensées, des sentiments et des actes les plus élevés, les plus pieux et les plus saints, mais également des plus stupides, des plus bas, des plus iniques et des plus impurs. Du plus élevé au plus bas, du plus fondamental au plus futile, de la vertu au péché, il n’y a souvent qu’un pas. C’est ainsi que l’homme, pourtant créé à l’image de Dieu, peut, à cause de la corruption de sa nature déchue, être double, inconséquent, sans plus de fermeté qu’un roseau agité par le vent des esprits malins et des passions. Suivant les circonstances, un même homme peut être courageux ou timide, bon ou méchant, simple ou malin, noble ou vil, zélé ou paresseux, compatissant ou insensible, généreux ou avare (jusqu’à devenir stupide, tatillon et larde), respectueux ou insolent, tendre ou grossier, obéissant ou têtu. Comment pourrait-on être dirigé par un tel homme? Il faut d’abord apprendre à se diriger soi-même, puis ensuite, si nécessaire, diriger les autres.
Dans le chrétien cohabitent deux ennemis : l’ancien Adam et l’homme nouveau du Christ. Ce sont plus exactement deux directions de l’esprit, du coeur et de la volonté. D’un côté, le monde terrestre, pécheur, passionné et mortel, de l’autre le monde céleste, saint, paisible et destiné à la Vie. Le libre arbitre peut se tourner vers la sagesse et l’intelligence, ou bien se montrer insensé et stupide. Il peut se montrer raisonnable ou fuir toute bonne entreprise. En bref, il peut se plier à la volonté du Créateur, et à Ses bons et sages préceptes, ou au contraire s’associer aux complots méchants, malins et pernicieux du diable.
Certains hommes, même des spirituels, sont volontiers prêts à rendre des services contre une bonne rétribution, mais murmurent et s’irritent si le salaire est minime. Ils rendent volontiers visite à des gens bien portants et de belle apparence, mais fréquentent à contre coeur et parfois même avec dégoût les infirmes, les malades ou les gens laids, alors qu’ils devraient se rendre chez eux avec amour et compassion. Ils saluent leurs bonnes et aimables connaissances mais évitent les inconnus ou les gens désagréables. Ils embrassent leurs amis mais méprisent leurs ennemis. Ils prêtent attention aux beaux mais se détournent des laids.
En règle générale, l’homme passe son temps à se contredire, à contredire son esprit, sa conscience et Dieu Lui-même. Il pense d’une façon et agit d’une autre, et se rend désagréable à Dieu. Voilà la maladie de l’homme. Sa tâche consiste donc à s’amender, à rechercher le bien, la simplicité, la bonté, la justice, l’impartialité, la pureté du coeur et une volonté ferme qui ne se laissera pas fléchir par le mal.
Qu’est-ce que l’attachement de l’âme aux biens matériels, à l’or, à l’argent, aux pierres précieuses, aux tissus chatoyants, aux beaux visages ? C’est un adultère qui rend indigne de Dieu. Si l’âme ne repousse pas tout cela, si elle ne le considère pas comme poussière, elle cessera d’aimer Dieu, se refroidira, se négligera et finira par s’éloigner du Seigneur.
« Faites mourir vos membres terrestres, l’impudicité, l’impureté, les passions, les mauvais désirs et la cupidité qui est une idolâtrie »(Col.3,5). Quelle est la source du mal? C’est le coeur lui-même, qui doit être purifié à chaque instant. Pourquoi ton coeur est-il froid comme la pierre? C’est parce que tu as abandonné la prière qui entretient le feu de la grâce, le feu qui illumine, réchauffe et vivifie l’âme et le corps. Lorsque tu priais encore avec sincérité, lorsque tu t’efforçais d’accomplir cette oeuvre sainte, la lampe brillait chez toi de toute son huile spirituelle, et dans ton âme il faisait chaud, tout était joyeux, paisible et épanoui. Mais lorsque tu as négligé la prière, tu es devenu froid, vide, insatisfait et sans vie.
Chaque jour, je vaincs les passions par le Nom du Seigneur. Par le repentir et l’invocation fervente du Nom de Jésus-Christ, je trouve le salut, je suis purifié, illuminé, sanctifié et apaisé. Ce Nom merveilleux et salutaire m’apporte la plus grande consolation. Combien de péchés hideux et absurdes se trouvent en moi ! La paresse, l’amour de moi-même, la pitié pour moi-même, la concupiscence, la gourmandise, la volupté, les pensées impures, l’envie, la cupidité, la vanité, l’orgueil, la vantardise, la malignité, l’irritation, la lâcheté, le découragement...Celles-ci et combien d’autres, qui n’ont pas encore diminué en moi comme il est dit dans la prière du Métaphraste. Voilà quel monstre je suis ! Quel homme mauvais et répugnant ! Il est vrai que je pleure souvent sur mes péchés, que je me réconcilie avec Dieu et avec ma conscience, il est vrai aussi que souvent, « mon pied a tenu ferme dans le bon chemin »(Ps.25,12), mais est-ce pour longtemps ? Non ! Seulement jusqu’à la prochaine occasion, jusqu’à la prochaine tentation. De nouveau je vais retomber dans les mêmes péchés. Il est vrai que je me garde des péchés grossiers et impudents, mais ne serais-je pas tombé dans ceux-là aussi si Dieu, dans Sa sainte providence, ne me gardait d’en rencontrer les occasions ? Il y a chez moi une attirance très forte pour toutes sortes de péchés. Seigneur, « de ceux qui sont cachés en moi, purifie-moi, et de ceux qui me sont étrangers préserve Ton serviteur ! »(Ps.18,13).
L’homme qui fait l’oeuvre des passions est un idolâtre. Ses passions sont ses idoles et lui-même est sa propre idole, selon les paroles du grand canon de Saint André de Crète. Il sert ces idoles et reçoit la mort intérieure comme rétribution, les ténèbres extérieures l’empêchent de voir clair sur lui-même. Par exemple, celui qui aime les profits nourrit en lui-même le serpent de l’amour de l’argent, il le dorlote et en oubliant d’aimer Dieu et son prochain. Pendant qu’il amasse les richesses, une multitude de pauvres souffre, meurt de faim, de froid et de maladie devant ses yeux. Il n’éprouve aucune compassion car sa cupidité a étouffé chez lui tout sentiment. La parabole du mauvais riche (Luc16,19-31) montre clairement la dureté de coeur et l’insensibilité de cet homme qui vit dans le luxe à côté des souffrances du pauvre Lazare. Il en va de même pour le débauché. Il dépense ses biens chez les femmes adultères pour satisfaire ses passions honteuses, comme le fils prodigue (Luc15,11-32), et s’abstient d’employer ses ressources à aider les pauvres. Et qu’en est-il de celui qui s’habille avec luxe, qui orne son intérieur d’objets précieux et de tableaux, qui n’hésite pas à dépenser des centaines de milliers de roubles pour son plaisir alors qu’il renonce à donner aux pauvres quelques kopecks ?
Mais cet amour démesuré de soi et de sa chair se manifeste avant tout chez l’homme par le désir d’apporter du repos à son corps, de le dorloter de toutes les façons : par la nourriture, la boisson, le sommeil prolongé dans un lit douillet équipé de coussins moelleux, la paresse de faire le signe de la croix, de dire des prières et de méditer ces prières, de les sentir avec le coeur, d’élever le coeur vers Dieu, et de diriger sa liberté vers l’accomplissement de la sainte, juste, sage, entièrement bonne, éternelle et bienheureuse volonté du Seigneur. A tout cela s’ajoute encore l’oubli de penser à ce qui arrive après la mort. Cet amour de soi et cette recherche des satisfactions se retrouve encore dans nos relations avec nos proches que nous oublions d’aider dans leurs besoins spirituels et matériels, et dont nous cherchons à tirer profit ou rétribution. Il nous conduit aussi à nous irriter contre les pauvres et à nous attrister de devoir les servir plus que prévu, alors que nous devrions nous réjouir de leur apporter bien-être et tranquillité dans leur indigence et leur malheur, et par là-même attirer la miséricorde divine car « les miséricordieux obtiendront miséricorde »(Mt.5,7). Notre Seigneur Jésus-Christ, le divin Initiateur du combat, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin »(Jn.13,1) et « a souffert sur la croix et méprisé l’ignominie »(Hb.12,2). Mais nous, nous n’avons aucune constance dans l’amour à cause de notre penchant pour nous-mêmes et pour notre chair. Nous ne persévérons pas dans l’amour du prochain et y renonçons si nous n’y trouvons plus de profit mais une nuisance matérielle, des soucis, des chagrins ou des désagréments. C’est pourquoi le chrétien est obligé irrévocablement de « crucifier sa chair avec ses passions et ses convoitises »(Gal.5,24), de s’exercer dans la pratique des oeuvres d’amour car « les oeuvres le suivent »(Apo.14,13) pendant sa vie et après sa mort. Chacune de ses oeuvres le glorifiera ou le couvrira de honte.
Comme l’envie est folle et absurde ! Comme toutes les passions, l’envie est insensée, aveugle, pleine de trouble et de tristesse, de honte et de perdition. Voyez cet homme riche et puissant, qui possède tout ce qu’il lui faut : découvrant chez son voisin un bel objet utile ou même complètement inutile, qu’il n’a pas encore ou qu’il a de moins bonne qualité, et le voilà saisi par l’envie, le dépit, l’animosité et l’inimitié. Quelle stupidité, quel aveuglement, quelle folie, quel manque d’amour et quelle passion ! Qu’est-ce qui est le plus digne d’amour, l’homme raisonnable, libre, doué d’une âme et créé à l’image de Dieu, ou bien un objet inanimé, mort, corruptible, même s’il est utile et qu’on peut l’acquérir, ou mieux encore, s’en passer pour trouver la tranquillité qu’avait l’envieux avant d’aller chez son voisin? Souvenons-nous d’Achab et de Naboth son sujet (1Rois21) qui avait un jardin jouxtant celui du roi. Ce jardin plut au roi qui le convoitait. Prisonnier de l’envie, le roi ne mangeait plus, ne dormait plus : comment son voisin pouvait-il avoir un jardin magnifique et pas lui ? Le roi en perdit la tête et conçut l’idée que Naboth devrait lui céder l’héritage de ses ancêtres. Sa femme l’aida à parvenir à ses fins en calomniant et en tuant le pauvre Naboth. Ne pourrions-nous pas facilement trouver un tel Achab parmi nous ? Gardons-nous de l’envie ! Contentons-nous du « seul nécessaire » en rendant grâce à Dieu, le Donateur des biens. Reconnaissons que nous ne sommes même pas dignes d’utiliser ce que Dieu nous donne dans Sa miséricorde. Efforçons-nous d’aller vers le « seul nécessaire », l’amour du prochain, une bonne disposition à son égard, une préoccupation permanente de son bien-être, de sa piété, du salut de son âme immortelle. Nous sommes envieux des divers biens de ce monde, nous envions les riches qui vivent dans l’abondance, nous envions la beauté humaine, surtout celle des femmes que nous convoitons, mais : « Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère avec elle dans son coeur »(Mt.5,28). Nous envions les riches demeures, les marbres, les tableaux, les statues, les splendides intérieurs, leur beauté, et leurs proportions harmonieuses. Nous envions les calèches et les beaux attelages, les distinctions honorifiques, le haut rang, les rétributions, les bons postes et les bons salaires. Y a-t-il quelque chose que nous n’envions pas, chacun dans sa condition et son état, Et pourquoi ? Parce que nous n’avons pas dans nos âmes le « seul nécessaire », Dieu Lui-même; nous ne possédons pas le trésor de vie qui se suffit à lui-même et que possédait le roi David qui disait : « Qu’y a-t-il pour moi dans le ciel ? Ai-je désiré autre chose que Toi sur la terre ? Mon coeur et ma chair ont défailli : Ô Dieu, Tu es le Dieu de mon coeur et mon partage pour l’éternité » (Ps.72,25-26). « Tu as donné un héritage à ceux qui craignent Ton Nom »(Ps.60,6), cet héritage, c’est Toi-même ! Efforçons-nous d’accueillir Dieu dans nos coeurs et de l’y garder toujours. Ne désirons pas les biens corruptibles et temporels qui ne rassasient pas l’âme immortelle mais lui apportent une soif corruptrice et la rendent stupide et douloureuse, qui causent des injustices, offensent le prochain et attentent à sa sécurité, à son honneur, à la pureté de son âme et de son corps. Seul Dieu peut pleinement satisfaire la soif de notre âme, lorsque nous L’approchons avec la foi et l’amour, le repentir, une prière fervente, la vertu, et l’amour du prochain. Lui-même déversera cet amour dans nos coeurs. Il faut aspirer à cet amour de toutes nos forces et l’estimer davantage que tous les trésors.
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