mercredi 22 juillet 2009

SUR LES SIGNES ET LES MIRACLES



SAINT IGNACE BRIANTCHANINOV

Introduction

Le Saint Evangile rapporte que les pharisiens, insatisfaits des miracles accomplis par le Seigneur, exigèrent de Lui un miracle particulier, un signe venant du ciel (Marc 8,1). L’exigence d’un tel signe, qui dénote une étrange façon d’aborder les signes et les miracles, a été répétée plus d’une fois, au point que le Seigneur a pu dire : « pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ? » (Marc 8,12). Les Sadducéens se sont associés à la demande des Pharisiens, bien que leur croyance ait été très différente. Le désir d’un signe venant du ciel a été quelquefois exprimé par le peuple aussi, et ceci, même après la miraculeuse multiplication des cinq pains qui nourrirent la multitude des cinq mille hommes présents, sans compter les femmes et les enfants. Les témoins oculaires de ce miracle, qui avaient pris part au repas, demandèrent au Seigneur : « Quel signe montres-Tu, que nous puissions voir et croire en Toi ?... Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon qu’il est écrit : Il leur donna le pain du ciel en nourriture » (Jean 6,30-31).

La miraculeuse et admirable multiplication des pains par les mains du Sauveur leur parut fade. Elle avait été accomplie paisiblement, avec la sainte humilité qui caractérise toutes les actions du Dieu-Homme, mais le peuple recherchait le spectacle, l’effet. Il avait besoin de sentir le ciel couvert de nuages menaçants, d’entendre le tonnerre, de voir les éclairs déchirer le ciel, et les pains tomber du ciel.

Dans le même esprit, les grands prêtres et les anciens exigèrent un miracle du Seigneur alors qu’Il se tenait librement sur la Croix. Ils se moquèrent avec les scribes, disant qu’Il en avait sauvé d’autres et qu’Il n’était pas capable de se sauver Lui-même. S’Il était vraiment le Roi d’Israël, pourquoi ne pas descendre sur-le-champ de la Croix afin qu’on crût en Lui ? (Mt.27,41-42) Ils acceptèrent les miracles du Seigneur comme de véritables miracles, mais dans le but de les dénigrer et de renier la miséricorde divine, exigeant un signe de leur propre invention, qui, s’il avait été accompli, eut réduit à néant la venue sur la terre du Dieu-Homme, et empêché la rédemption de l’humanité.

Hérode fait aussi partie de ceux qui voulaient voir le Seigneur accomplir un miracle qui eut satisfait sa propre curiosité, son impudence sans borne. Il voulut un signe, comme on attend un agréable divertissement, et, ne l’ayant pas obtenu, il se moqua du Seigneur, pour s’offrir au moins cette part de plaisir.

Que signifie donc cette exigence générale d’un signe venant du ciel, exprimée par des gens aux intentions si disparates, qui avaient toutefois en commun leur profond dédain pour les stupéfiants miracles du Seigneur ? Une telle exigence ne fait que dénoncer le point de vue du raisonnement charnel à l’égard des miracles. Qu’est-ce donc que le raisonnement charnel ? C’est une façon d’aborder Dieu et les choses spirituelles selon la nature humaine déchue, et non pas selon la Parole de Dieu. La défiance et l’hostilité envers Dieu qui la caractérisent sont particulièrement évidentes dans l’exigence du miracle. La fausse sagesse inattentive aux miracles va même jusqu’à nier et rejeter les miracles accomplis par le Christ dans son indicible bonté. Et pourtant, Il a bel et bien accompli ces miracles car Il est la Puissance de Dieu, et la Sagesse de Dieu (1Cor.1,24)

Première Partie

C’était un grave péché, inspiré par l’esprit charnel, que d’exiger un miracle du Seigneur. En entendant cette demande insolente et blasphématoire, le Seigneur soupira profondément en esprit et dit : pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ? En vérité Je vous le dis, aucun signe ne sera donné à cette génération. Et il les quitta, entra dans le bateau et partit (Marc8,12-13).

Il y a une grande joie dans le ciel pour un pécheur qui se repent, et, au contraire, il y a de la tristesse lorsqu’un homme tombe dans le péché et refuse de se repentir (Luc15,10). En contemplant l’infinie bonté de Dieu à l’égard de l’humanité, et Son désir de voir tous les hommes sauvés, Saint Macaire le Grand a pu dire que notre très saint Dieu, bien qu’impassible, éprouve une sorte de divine peine à voir l’homme se détruire. Une telle peine, qui dépasse notre entendement, n’est donc pas étrangère à l’Esprit de Dieu, qui vient faire Sa demeure en nous, intercédant Lui-même pour nous en des gémissements ineffables (Rom.8,26). C’est cette peine qu’a éprouvée le Fils de Dieu en entendant la demande d’un miracle, demande à la fois orgueilleuse et déraisonnable. Soupirant donc en Esprit, Il dit : pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ? (Marc 8,12) Voilà comment Dieu réagit à la demande hostile d’un signe. Quelle peine profonde nous sentons là dans cette question, la peine de Dieu ! Elle traduit la perplexité engendrée par la folie et l’impertinence de la demande. Ceux qui ont présenté cette requête ont perdu l’espoir du salut, puisque leur requête même est contraire à l’Esprit de Celui qui dispense le salut.

Le Seigneur quitte ceux qui s’enchaînent obstinément dans les liens des sophismes humains, sans désirer la guérison. Il les abandonne à eux-mêmes, à leur choix destructeur et délibéré : Et il les quitta (Marc8,13).

Un mort ne ressent pas son état et l’intelligence charnelle ne ressent pas sa mort spirituelle. Incapable de voir sa propre ruine, elle ignore à quel point elle a besoin de la Vie. Sa conception de la vie étant erronée, elle a renié et renie encore la Vie véritable, c’est-à-dire Dieu.

Est-ce qu’un signe venant du ciel peut avoir un quelconque intérêt ? Ceux qui l’exigent, bien sûr, lui trouvent un intérêt. Mais d’abord, pouvons-nous affirmer qu’un tel signe est toujours un signe de Dieu ? La Sainte Ecriture ne nous montre pas les choses ainsi.

L’expression même « signe venant du ciel » est imprécise, que ce soit pour les gens de l’époque du Christ, ou pour ceux d’aujourd’hui. Ceux qui ne sont pas habitués aux sciences voient le « ciel » comme le domaine aérien. Ainsi, le soleil, la lune et les étoiles sont communément placés dans le « ciel », alors qu’ils flottent dans l’espace au-delà de l’atmosphère. La pluie, le tonnerre et les éclairs sont communément qualifiés de « manifestation du ciel », alors qu’il serait plus logique de les associer à la terre, puisqu’ils surviennent dans l’atmosphère terrestre.

La Sainte Ecriture rapporte que sous l’action du démon, le feu du ciel tomba et consuma les moutons et les serviteurs de Job (Job1,16). Il est clair que ce feu se forma dans l’air au même titre que les éclairs.

Simon le Mage époustoufla de ses miracles des gens spirituellement aveugles, à tel point que la puissance de satan fut confondue avec la grande puissance de Dieu (Actes8,10). Simon surprit particulièrement les romains idolâtres quand, au cours d’une grande manifestation publique, il se déclara dieu, prétendit qu’il allait s’élever dans les airs, et le fit réellement ! (Selon les écrits de Saint Siméon Métaphraste qui tire ses sources des premiers chroniqueurs chrétiens).

C’est un terrible malheur de ne pas connaître Dieu de façon véritable et de confondre Ses oeuvres avec celles du démon. Juste avant le Second Avènement du Christ, quand le Christianisme, la connaissance spirituelle, et le discernement seront réduits à l’extrême, on verra se lever de faux Christs, de faux prophètes, et il y aura de grands signes et des miracles ; et ceci au point d’égarer même les élus, si cela était possible (Mt.24,24). L’antéchrist lui-même déversera généreusement ses miracles sur les hommes, étonnant et satisfaisant les intelligences charnelles et ignorantes. Il leur donnera les signes du ciel qu’elles recherchent avec appétit. Sa venue à lui, l’Impie, aura été marquée, par l’influence de satan, de toute espèce d’oeuvres de puissance, de signes et de prodiges mensongers, comme de toutes les tromperies du mal, à l’adresse de ceux qui sont voués à la perdition pour n’avoir pas accueilli l’amour de la vérité qui leur aurait valu d’être sauvés. Voilà pourquoi Dieu leur envoie une puissance qui les égare, qui les pousse à croire le mensonge, en sorte que soient condamnés tous ceux qui auront refusé la vérité et pris parti pour le mal (2 Thes. 2, 9-12). Les intelligences ignorantes et charnelles, voyant les miracles, ne reviendront pas à la raison. A cause de l’affinité de leur esprit avec l’esprit des miracles accomplis, elles accepteront immédiatement dans leur aveuglement l’activité de satan en la prenant pour une grande manifestation de la puissance de Dieu. L’antéchirst sera accepté rapidement, sans réflexion. Les gens ne comprendront pas que ses miracles n’ont aucun but raisonnable ni béni, aucun sens véritable, qu’ils sont étrangers à la Vérité, pleins de mensonges, monstrueux, malicieux, absurdes, destinés à surprendre, à tromper, et à séduire par des effets enchanteurs, vides et stupides.

Ne nous étonnons pas que les miracles de l’antéchrist soient acceptés sans question et avec délice par les apostats du Christianisme, qui sont les ennemis de la vérité et de Dieu. Ils se préparent d’eux-mêmes à accepter de façon ouverte et active le messager et l’instrument de satan, ses enseignements et ses actes, et à entrer en contact spirituel avec lui au moment voulu. Cela doit nous laisser pensifs et tristes de savoir que les miracles et les oeuvres de l’antéchrist causeront des difficultés aux élus de Dieu eux-mêmes. La raison de la forte influence de l’antéchrist sur les hommes est à chercher dans son hypocrisie et sa corruption infernales, dans le camouflage très élaboré de ses actes les plus démoniaques, dans son insolence sans retenue ni pudeur, dans la coopération prolifique des esprits déchus, et enfin dans sa capacité à effectuer de faux, mais stupéfiants miracles. L’esprit humain n’est pas capable de concevoir un homme aussi mauvais que l’antéchrist. Il est impossible au coeur humain, même pécheur, de croire que le mal puisse atteindre le niveau qu’il atteindra effectivement avec l’antéchrist. Ce dernier se mettra en avant avec éclat, comme tous ses prédécesseurs et prototypes, il se prétendra prédicateur et restaurateur de la véritable connaissance de Dieu. Les chrétiens sans discernement le verront comme un représentant de la religion véritable, et se joindront à lui. Il se présentera comme le Messie attendu, et les adeptes de la sagesse charnelle se précipiteront à sa rencontre, proclamant sa gloire, sa puissance, son génie, et ne tarderont pas à faire de lui un dieu dont ils deviendront les disciples.

L’antéchrist se montrera humble, rempli d’amour et de toutes vertus. Ceux qui l’accepteront comme tel et se soumettront à lui comme au bien suprême, sont ceux qui adhéreront à la vérité de l’humanité déchue, et refuseront de la rejeter pour celle de l’Evangile.

L’antéchrist présentera à l’humanité une exaltante économie fondée sur le bien-être et la prospérité. Il offrira des honneurs, des richesses, du luxe, des distractions, du confort matériel, et des réjouissances. Ceux qui recherchent les choses terrestres l’accepteront comme leur maître. Il se révélera à l’humanité par des artifices rusés, théâtraux, donnant en spectacle de stupéfiants miracles, inexplicables par la science. Il suscitera la peur par le déferlement prodigieux de ces miracles. Il donnera satisfaction aux sages de ce monde, aux superstitieux, et confondra la science humaine. Les hommes, conduits par la fausse lumière de la nature déchue, aliénés par l’absence de direction émanant de la Lumière de Dieu, seront séduits par ce séducteur jusqu’à la soumission (Apocalypse13,8).

Les signes de l’antéchrist seront observés d’abord dans les airs, car c’est là que satan exerce surtout son influence (Eph.2,2&6,12). Ils agiront sur notre vue, la charmant et la trompant. Saint Jean le Théologien, contemplant les événements qui précéderont la fin du monde, dit dans le livre de l’Apocalypse que l’antéchrist accomplira de grandes choses, comme faire descendre le feu du ciel sur la terre à la vue des hommes (Ap.13,13). Les Saintes Ecritures voient ce phénomène comme le plus grand des signes de l’antéchrist. Ce sera un spectacle magnifique et terrible. Les signes de l’antéchrist soutiendront sa conduite rusée. Ils séduiront la majorité des hommes, qui le suivront. Les adversaires de l’antéchrist seront considérés comme des rebelles, des ennemis du bien commun et de l’ordre, ils seront soumis à la persécution ouverte, à la torture, et aux exécutions.

Les mauvais esprits, envoyés de par le monde, susciteront chez les hommes une haute opinion de l’antéchrist, une sorte d’extase universelle, d’attirance irrésistible. Les Saintes Ecritures mentionnent à plusieurs reprises la violence et la cruauté de la dernière persécution contre les chrétiens. Elles attribuent à cet être effrayant qu’est l’antéchrist, un nom bien défini et caractéristique, la bête (Ap.13,1), de la même façon que l’archange déchu est appelé le dragon (Gen.3,1; Ap.12,3). Ces noms représentent bien les deux ennemis de Dieu. Un agit secrètement, et l’autre ouvertement. La bête, comme toutes les bêtes, réunit en elle une large palette de cruautés : la bête que je vis était semblable à un léopard, ses pieds étaient comme les pieds d’un ours, et sa gueule comme la gueule d’un lion (Ap.13,2), le dragon lui conféra son pouvoir, son trône et sa grande autorité (Ap.13,2).

Une terrible épreuve s’abattra sur les saints : la ruse et l’hypocrisie du redoutable persécuteur augmenteront en vue de les tromper et de les séduire. Raffinées, inventives, et rusées seront les persécutions et les contraintes. Le pourvoir illimité du persécuteur placera les élus dans une situation très difficile. Leur petit nombre paraîtra insignifiant à l’humanité, et leur opinion sera considérée comme négligeable. Ils devront supporter le dédain général, la haine, la calomnie et l’oppression. La mort violente sera leur lot. Seule une aide spéciale de la grâce divine leur permettra de tenir debout devant l’ennemi de Dieu, et de confesser le Seigneur Jésus devant lui et devant les hommes.

La raison de tout ce discours était, rappelons-nous, de commenter la demande des Pharisiens et des Sadducéens, qui exigeaient du Seigneur un signe venant du ciel, c’est-à-dire un miracle d’un caractère semblable à ceux du futur antéchrist. Le fait qu’un tel type de miracle ait été demandé explique la réaction du Seigneur. Devant une telle supplique, le Dieu-Homme exprima Son grand dépit, et refusa catégoriquement de leur donner satisfaction. Plus, Il ne souhaita pas demeurer davantage auprès de ceux qui s’étaient permis de présenter une telle requête. Il les quitta. A une autre occasion, Sa réponse fut encore plus incisive : Une génération mauvaise et adultère cherche un signe; aucun signe ne lui sera donné, si ce n’est le signe de Jonas (Mt.16,4). « Cette génération » désigne tous ceux qui exigent un signe du même esprit que celui qui est décrit plus haut. Ils sont qualifiés de « génération adultère » car ils sont entrés en communication spirituelle avec satan, brisant leur union avec Dieu. De plus, bien qu’ayant reconnu les miracles du Dieu-Homme, ils prétendent ne pas les voir. Boudant et blasphémant les miracles de Dieu, ils demandent un miracle conforme à leur triste état d’esprit. La requête d’un signe venant du ciel n’est donc pas tant la requête d’un miracle, qu’une moquerie. Elle tourne en dérision les miracles déjà accomplis par le Dieu-Homme. Elle trahit une vision ignorante et pervertie des miracles. Les signes du prophète Jonas, comme le Sauveur l’explique Lui-même (Mt.12,40), sont les signes qui accompagnent Sa passion et Sa résurrection. A la mort du Seigneur furent donnés les vrais signes du ciel ! Le soleil, à la vue du Seigneur crucifié, s’obscurcit en plein midi ; des ténèbres recouvrirent toute la terre durant trois heures ; le voile du temple se déchira de haut en bas par le milieu ; la terre trembla ; les rochers se fendirent ; les tombeaux s’ouvrirent ; de nombreux saints ressuscitèrent et apparurent dans la ville sainte (Luc23,45 & Mt27, 45,51-53).

A la Résurrection, il y eut un autre tremblement de terre. Un ange de lumière descendit du ciel sur le Saint Sépulcre pour témoigner de la Résurrection, pétrifiant les soldats qui avaient été placés là par ceux qui cherchaient les signes du ciel (Mt.28;2,3,11-15). Ces mêmes soldats parlèrent de la Résurrection du Seigneur devant les juifs au Sanhédrin. Ceux-ci, qui avaient pourtant reçu leur signe venant du ciel, n’exprimèrent que haine et dédain à son égard, comme à l’égard de tous les miracles précédants du Dieu-Homme. Ils s’employèrent à soudoyer les soldats et à cacher le miracle divin par la tromperie.

Procédons maintenant à l’examen des miracles effectués par notre Seigneur Jésus-Christ. Ils sont un cadeau divin offert à l’humanité. Ce cadeau ne fut pas offert par nécessité, mais uniquement par bonté et par miséricorde. Les hommes auraient dû le traiter avec la plus grande révérence et la plus grande prudence, car Celui qui l’a fait n’est autre que Dieu devenu homme pour notre salut. Ce cadeau était en vérité un témoignage de grand prix.

L’homme est entièrement libre d’accepter son salut. De la même façon, il est entièrement libre d’accepter les miracles du Christ, de discuter leur authenticité et leur qualité, et d’en tirer les conclusions de son choix concernant Celui qui les a accomplis. La reconnaissance et l’acceptation du Rédempteur est le résultat d’un choix libre et positif, et non pas un acte accompli avec légèreté, précipitation, ou contrainte. Les miracles du Christ avaient un but bien précis. On peut répéter à leur propos ce que le Seigneur a dit à l’Apôtre Thomas : « Approche tes doigts, et vois Mes mains; approche ta main, et mets-la dans Mon côté, et ne sois pas incrédule mais croyant ! » (Jn.20,27) Les miracles du Christ étaient tangibles, accessibles aux gens simples. Ils n’avaient rien de mystérieux. Ils ne pouvaient pas laisser les gens perplexes et incapables de décider s’ils étaient vraiment des miracles, ou des effets. Les morts étaient ressuscités, les malades incurables étaient guéris, les lépreux étaient purifiés, les aveugles de naissance recouvraient la vue et les muets la parole, la nourriture était instantanément multipliée pour nourrir ceux qui étaient dans le besoin, les vagues de la mer et le vent étaient calmés sur une simple parole, ceux que l’orage menaçait de mort étaient sauvés, les filets des pêcheurs qui avaient longtemps peiné en vain étaient remplis d’un seul coup, et tout cela devant la voix discrète du Seigneur. Les miracles du Dieu-Homme avaient de nombreux témoins, et même des personnes hostiles, ou inattentives, ou ne recherchant qu’un aide physique. Les miracles étaient indéniables. Les ennemis les plus envieux du Seigneur ne les niaient pas, même s’ils cherchaient à les rabaisser par une interprétation blasphématoire, ou par tout autre artifice suggéré par leur esprit rusé et malicieux. Les miracles du Seigneur n’étaient ni vaniteux ni prétentieux. Aucun d’entre eux ne fut accompli dans le but de se mettre en avant. Tous étaient couverts par le manteau de l’humilité. Ses bienfaits bénis offerts à l’humanité souffrante exprimaient la toute-puissance du Créateur sur les créatures terrestres et spirituelles. Ils prouvaient que Dieu est entièrement digne de confiance, qu’Il a pris sur Lui l’humanité, apparaissant comme un homme au milieu des hommes.

Notons qu’un des miracles du Seigneur revêt un sens mystique, et ne fut accompli pour le bénéfice d’aucune personne particulière, mais au profit de toute l’humanité. Il s’agit du miracle du figuier stérile qui n’avait que des feuilles et fut flétri (Marc11;13,14,20). Cet arbre est mentionné dans le récit de la chute (Gen.3,7) comme l’un des arbres du Paradis. Ses feuilles servirent à cacher la nudité de nos ancêtres, nudité qu’ils n’avaient pas remarquée avant le péché, et que le péché leur révéla. Il se pourrait que le fruit défendu dans le Paradis ait été la figue. Le Seigneur ne trouva pas de fruit sur le figuier. Il rechercha le fruit avant le temps, permettant à Sa chair d’exprimer un ultime désir de nourriture, qui rappelle le faux désir de nos ancêtres. Le Seigneur porta ce désir sur Lui, comme toutes les faiblesses de l’humanité, afin de pouvoir le détruire lui aussi. Ne trouvant pas de fruit, Il rejeta les feuilles, et détruisit l’existence même de l’arbre, au moment même où un autre arbre, l’arbre de la Croix, commençait à être préparé comme instrument du salut de l’humanité. Un arbre, instrument de la destruction de l’humanité, fut détruit sur l’ordre du Sauveur des hommes. Ce miracle mystique est accompli en présence des seuls Saints Apôtres, les disciples de l’enseignement mystique. Il est accompli juste avant l’entrée du Dieu-Homme dans l’agonie de Ses souffrances pour l’humanité, avant l’élévation sur la Croix.

Les miracles du Seigneur avaient une signification sainte et un but saint. Ils furent en eux-mêmes d’un grand bénéfice dans l’accomplissement du plan divin, et servirent en plus de témoignage et de preuve à un acte de bonté infiniment plus élevé. Lequel ? En devenant homme, le Seigneur a offert à l’humanité un présent éternel, spirituel et sans prix : le salut, la purification des péchés, et la résurrection de la mort éternelle.

La parole du Seigneur et Sa vie furent la réalisation de ce présent universel. Le Seigneur a mené une vie totalement étrangère au péché, parfaitement sainte (Jn.8,46). Sa parole était puissance (Marc1,42). Les hommes étaient tombés dans les ténèbres de l’esprit charnel, leur coeur et leur esprit étaient aveugles. Ils avaient besoin d’un acte de condescendance spécial, il fallait un témoignage accessible à leurs sens, il fallait donner aux esprits et aux coeurs une connaissance vivifiante passant par les sens, puisque ces esprits et ces coeurs mourraient de mort éternelle après la mort naturelle.

Les miracles sont accordés pour appuyer la parole de Dieu. Pour que l’homme puisse comprendre et accepter le don spirituel que seuls les yeux spirituels peuvent percevoir, le Seigneur ajouta à ce don spirituel et éternel un don similaire, mais temporaire et physique, la guérison des maladies du corps.

Le péché est la cause de toutes les maladies de l’homme, qu’elles soient physiques ou spirituelles, il est la cause de la mort temporaire et de la mort éternelle. En montrant Sa puissance sur les conséquences physiques du péché dans le corps de l’homme, le Seigneur a montré Sa puissance sur le péché lui-même. L’intelligence charnelle ne perçoit pas les maladies spirituelles, ni la mort éternelle, mais elle voit et accepte les maladies du corps, qui l’impressionnent et l’intéressent au plus haut point. Le Seigneur a soigné tous les malades d’un seul mot. Sur un simple ordre, Il a ressuscité les morts, chassé les esprits impurs, et montré Sa puissance. Il a montré la puissance de Dieu sur l’homme, sur le péché, sur les esprits déchus, et Il a montré tout cela ouvertement à nos sens, à notre esprit charnel. L’intelligence charnelle, voyant et touchant cette puissance, pouvait et aurait logiquement dû reconnaître la puissance de Dieu sur le péché, non seulement dans la relation entre le péché et le corps, mais aussi dans la relation du péché avec l’âme elle-même, et en déduire le pouvoir de Dieu sur l’âme.

Certains miracles du Seigneur, comme celui de la résurrection d’un mort, montrent la puissance illimitée de Dieu sur le corps et sur l’âme. Le corps retrouve son intégrité, l’âme est rappelée en lui, bien que déjà partie dans le monde des esprits. Elle est rappelée de ce monde-là et réunie au corps dont elle avait été séparée pour toujours. L’homme a reçu des signes au-dedans de lui, pas à l’extérieur. Il a reçu la preuve du salut en lui-même, pas à distance. Le témoignage du salut éternel de l’âme et du corps lui fut accordé à travers le salut temporaire du corps des maladies et de la mort. Une observation juste et pieuse des miracles du Seigneur montre leur raison divine.

L’exigence d’un signe venant du ciel est tout à fait dénué de sens. Bien que la puissance du Seigneur ait rarement dépassé les limites de l’homme pour s’étendre sur les éléments naturels, ceci est arrivé également. Et ceci dans le but de montrer que le pouvoir du Seigneur sur toute la nature n’est rien d’autre que le pouvoir infini de Dieu. Ces miracles opérés sur la nature complétèrent ceux qui furent accomplis sur l’humanité, afin que l’humanité puisse préciser le sens de l’oeuvre qu’elle attribuait à Celui qui allait effacer nos péchés. Le Seigneur vint sur la terre pour le salut de l’homme, Ses préoccupations furent donc concentrées sur l’homme, la plus parfaite des créatures, créée à Son image, Son temple raisonnable. Le terre, ce lieu d’exil, de souffrance et de passage, et toute la création matérielle, en dépit de son immensité, furent laissée par Lui sans attention. Et si certains miracles furent accomplis sur la matière, ce fut toujours pour les besoins de l’homme.

Voici le sens des miracles accomplis par le Seigneur et Ses apôtres. Le Seigneur le leur a d’ailleurs clairement exprimé. Rappelons-nous qu’une fois, la multitude se rassembla dans une maison où se trouvait le Seigneur. Cette maison était pleine et la foule se pressait au point qu’il devenait impossible d’entrer. C’est à ce moment qu’un paralytique fut amené, qui ne pouvait quitter son lit. Ceux qui le portaient, voyant la foule, passèrent par le toit, faisant une ouverture au plafond afin de pouvoir descendre le paralytique devant le Seigneur. Voyant cet acte de foi, le Seigneur miséricordieux s’adressa au paralytique en disant : fils, tes péchés sont pardonnés ! Dans l’assemblée étaient assis quelques scribes, qui connaissaient le Loi à la lettre, et qui, malades d’envie à l’égard du Dieu-Homme, pensèrent immédiatement qu’un blasphème avait été prononcé. Pourquoi cet homme blasphème-t-il ainsi ? Qui peut pardonner les péchés si ce n’est Dieu seul ? Et Celui qui connaît les secrets de tous les coeurs leur dit : Pourquoi raisonnez-vous ainsi dans vos coeurs ? Qu’est-il le plus facile de dire, tes péchés te sont pardonnés, ou bien, lève-toi, prends ton grabat et marche ? Mais pour que vous puissiez savoir que le Fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre, Je te le dis, lève-toi, prends ton grabat, et rentre dans ta maison ! (Marc2,2-11). Dire sans preuve que « tes péchés sont pardonnés », c’est à la portée d’un hypocrite ou d’un trompeur. Mais le paralytique fut guéri sur-le-champ. Il retrouva sa force, prit son grabat, et marcha devant toute l’assistance présente. Ce miracle montre bien la bonté et la sagesse divine. Il commence par le don spirituel offert au malade souffrant par le Seigneur, don invisible : la rémission des péchés. Ce don fut l’occasion d’une confession involontaire des juifs lettrés : Dieu seul peut accorder la rémission des péchés. Le Seigneur, répondant à leurs pensées, leur accorde un nouveau témoignage sur Lui-même : Il leur montre qu’Il est Dieu. Et pour finir, le don et la preuve spirituels sont scellés par un don et une preuve matériels : la guérison immédiate et totale du malade.

Le Saint Evangéliste Marc, en concluant son Evangile, rapporte que les Apôtres, après l’Ascension du Seigneur, s’en allèrent prêcher partout la Parole, tandis que le Seigneur travaillait avec eux, confirmant le message par des signes (Marc16,20).

Cette pensée est exprimée de nouveau par ces mêmes Apôtres dans la prière qu’ils élevèrent devant Dieu après les menaces du Sanhédrin, qui leur interdisait d’enseigner et d’agir au Nom de Jésus : Et maintenant, Seigneur, vois ces menaces et fais que Tes serviteurs puissent proclamer Ta parole avec audace, en étendant Ta main pour guérir ; que des signes et des merveilles puissent être accomplis au Nom de Ton Saint Fils Jésus ! (Act.4,29-30)

Les signes de Dieu étaient donc accordés pour assister la Parole de Dieu. Ils témoignaient de la puissance et de la véracité de cette Parole (Luc4,36). Mais l’essentiel est la Parole. Les signes sont inutiles là où la Parole est acceptée, puisque la fiabilité de la Parole est comprise. Les signes ne sont que condescendance envers la faiblesse humaine.

Les mots agissent d’une façon, et les signes d’une autre. Les mots agissent directement sur l’intelligence et le coeur, les signes agissent sur l’intelligence et le coeur par l’intermédiaire des sens. Les effets de la Parole sont plus forts, plus puissants, plus définitifs que les effets des signes.

Quand les mots et les signes agissent de concert, alors même l’effet des signes passe inaperçu, à cause de la force abondante de la Parole. Ceci est clair dans l’Evangile. Nicodème fut influencé par les signes, et il n’a reconnu dans le Seigneur qu’un prédicateur envoyé par Dieu (Jn.3,2). L’Apôtre Pierre fut influencé par la Parole et il confessa le Seigneur comme Christ et Fils de Dieu : Tu as les paroles de la vie éternelle, et nous croyons et nous sommes certains que Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (Jn.6,68-69). Saint Pierre était témoin oculaire des nombreux miracles du Seigneur. La multiplication des cinq pains qui nourrirent une grande foule venait juste d’être accomplie par le Seigneur, mais l’Apôtre, dans sa confession, resta silencieux sur les miracles, et parla seulement de la puissance des paroles. La même chose arriva avec les deux disciples qui conversaient avec le Seigneur sur le chemin d’Emmaüs sans Le reconnaître. En arrivant à la maison, ils Le reconnurent à la fraction du pain, et dès qu’ils reconnurent le Seigneur, Il devient invisible. Ils ne dirent rien du miracle stupéfiant, leur attention restant centrée sur les paroles : Est-ce que nos coeurs ne brûlaient pas à l’intérieur de nous-mêmes, quand Il nous parlait sur le chemin, nous ouvrant les Ecritures ? (Luc24,32)

Le Dieu-Homme a béni ceux qui croient sans avoir vu les miracles (Jn.20,29). Il a également exprimé de la sympathie pour ceux qui, insatisfaits de la Parole, ont besoin de miracles: Si vous ne voyez des signes et des merveilles, vous ne croirez pas, dit-Il à Capharnaüm (Jn.4,48)

C’est ainsi ! Dignes de sympathie sont ceux qui délaissent la Parole et recherchent l’affermissement dans les miracles. Ce besoin provient pourtant de la prédominance de l’esprit charnel, de l’ignorance, d’un mode de vie offert à la corruption et au péché, d’un manque de pratique de l’étude de la loi divine et des vertus qui plaisent à Dieu, d’une incapacité de l’âme à sentir l’Esprit Saint, de percevoir la présence de l’Esprit Saint dans la Parole. Les signes sont donc davantage désignés pour convaincre et amener à la foi ceux qui ont encore un esprit charnel, qui sont préoccupés des choses de ce monde. Immergés dans les affaires de cette vie, l’âme toujours enchaînée à la terre et ses soucis, peu capables de comprendre les mérites de la parole, le Verbe miséricordieux les attire vers le salut accordé par la Parole par le truchement de signes tangibles qui s’affirment de façon matérielle à travers les sens, attirant l’âme faible vers le Verbe sauveur et tout-puissant. Ceux qui croient par les miracles constituent une catégorie plus basse de croyants. Quand un enseignement spirituel, élevé, et saint leur est offert, beaucoup l’interprètent à leur idée (Jn.6,60) et ne souhaitent pas demander l’explication des paroles de Dieu, qui sont pourtant esprit et vie. Ils sont conduits par le témoignage superficiel de leur coeur, et souvent s’en vont (Jn.6,66).

Ni les signes, ni les paroles du Dieu-Homme n’agirent positivement sur les grands-prêtres juif, sur les scribes, les pharisiens, les sadducéens, bien qu’à l’exception de ces derniers, ils connussent à la lettre la Loi. Etrangers à Dieu et pleins d’inimitié envers Lui à cause de leur état de pécheurs (commun à toute l’humanité), ils s’installèrent volontairement dans cet état à cause de leur haute opinion d’eux-mêmes, de leur désir de mener cette vie en y trouvant le succès d’une manière que l’Evangile proscrivait.

Ils n’ont pas voulu entendre le Fils de Dieu leur parler. Ils n’ont pas écouté Ses paroles comme ils auraient dû. Ils ne L’ont pas écouté avec attention, ils ont seulement retenu ce qui leur semblait nécessaire pour donner une mauvaise interprétation de Son discours et L’accuser. Et c’est ainsi qu’ils ont développé de la haine pour les mots mêmes de Celui qu’ils haïssaient. Pourquoi ne comprenez-vous pas Mon discours ? C’est parce que vous ne pouvez même pas entendre Mes paroles ! (Jn.8,43), disait le Sauveur à Ses ennemis qui rejetaient de façon têtue et obstinée le salut qui leur était offert. Pourquoi ne comprenez-vous pas Mon enseignement ? Pourquoi n’acceptez-vous pas Mes mots qui vous guériraient ?... Parce que vous ne pouvez même pas écouter Mes paroles, cela vous est insoutenable. Etant les enfants du mensonge et agissant en conséquence, vous ne Me croyez pas. Et parce que Je vous dis la vérité, vous ne Me croyez pas (Jn.8,45) Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Vous ne M’écoutez pas car vous n’êtes pas de Dieu (Jn.8,47).Si Je ne fais pas les oeuvres de Mon Père, ne Me croyez pas. Mais si Je les fais, même si vous ne Me croyez pas, croyez Mes oeuvres, afin que vous puissiez savoir et croire que le Père est en Moi et que Je suis en Lui (Jn.10,37-38). Et ces paroles, qui portaient pourtant en elles la vérité divine, furent prononcées en vain, malgré la plénitude du témoignage (Jn.8,14). En vain furent accomplis les miracles, qui apportaient cette plénitude du témoignage si tangible et évidente que les ennemis du Dieu-Homme, malgré leur désir et leur effort pour le renier, ne purent s’empêcher de les reconnaître (Jn.9,24).

Ces mêmes moyens qui firent de l’effet sur ceux qui ne connaissaient pas la Loi, ou qui étaient peu familiarisés avec elle, et qui passaient leur vie dans les préoccupations terrestres sans rejeter volontairement la loi divine, n’eurent aucune influence sur ceux qui connaissaient la Loi en détail et à la lettre, et la reniaient volontairement par leur vie (Jn.5,46-47&7,19). Tout ce que l’ineffable miséricorde divine a pu faire pour le salut des hommes a été fait. Le Sauveur l’a dit clairement : Si Je n’étais pas venu et si Je ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas de péché; mais maintenant ils n’ont pas d’excuse pour leur péché. Celui qui Me hait, hait Mon Père aussi. Si Je n’avais pas accompli au milieu d’eux les oeuvres qu’aucun autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché, mais maintenant ils ont vu et haï tant Moi que Mon Père (Jn.15,22-24).

Le Christianisme a été conduit pour nous à une telle perfection qu’il n’y a pas de justification possible pour ceux qui l’ignorent. La raison de l’ignorance est seulement la volonté d’ignorer. De même que le soleil brille dans le ciel, le Christianisme brille aussi. Celui qui ferme volontairement ses yeux doit mettre son aveuglement au crédit de sa propre volonté et pas à celui de l’absence de lumière.

La raison du reniement du Dieu-Homme par l’humanité est à rechercher dans l’homme lui-même. Dans l’homme aussi se trouve l’acceptation de l’antéchrist. Je suis venu au Nom de Mon Père et vous ne Me recevez pas. Si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez (Jn.5,43) Ceux qui renient le Christ et ceux qui acceptent l’antéchrist sont les mêmes, bien qu’on parle ici de l’antéchrist comme d’une personne à venir. Le reniement du Christ vient de l’esprit de l’homme, et c’est ce même esprit qui accepte l’antéchrist. Ceux qui renièrent le Christ jadis sont comptés dans les rangs de ceux qui accepteront l’antéchrist, bien qu’ils aient vécu sur la terre des siècles avant l’arrivée de ce dernier. Ils ont accompli l’acte le plus odieux : le meurtre de Dieu. Mais un crime analogue au déicide n’est pas à attendre de l’époque de l’antéchrist. L’esprit de ces hommes-là étaient jadis plein d’inimitié à l’égard du Christ, et l’esprit de ceux qui s’uniront à l’antéchrist le sera aussi, bien qu’un grand laps de temps les sépare, puisque nous approchons maintenant de la fin du second millénaire.

Et tout esprit qui ne confesse pas que Jésus Christ est venu dans la chair n’est pas de Dieu: et c’est là l’esprit de l’antéchrist, dont vous avez entendu dire qu’il viendrait, qui est déjà maintenant dans le monde (1Jn.4,3), dit le Théologien. Ceux qui sont menés par l’esprit de l’antéchrist renient le Christ, ils acceptent l’antéchrist en esprit, ils entrent en union avec lui, ils se soumettent en esprit à lui, ils lui offrent l’adoration et le confessent comme dieu. Et pour cette raison Dieu leur enverra une grande illusion, (c’est-à-dire que Dieu la permettra) de telle manière qu’il croiront un mensonge : que soient damnés tous ceux qui n’ont pas cru à la Vérité, et qui ont pris plaisir à ne pas marcher avec droiture ! (2Thes.2,11-12) Dieu est juste dans Ses jugements. Tout ceci satisfera l’esprit humain et l’accusera à la fois. L’antéchrist viendra en son temps. Sa venue sera précédée d’une apostasie de la foi chrétienne par presque tous les hommes. Cette apostasie préparera l’humanité à l’accepter en esprit. L’humeur de l’esprit humain générera une demande, une invitation de l’antéchrist, une sympathie pour lui, comme une maladie grave génère l’envie d’un breuvage empoisonné. L’invitation est prononcée ! Une voix secrète se fait entendre dans la société, exprimant un besoin pressant pour le génie des génies, qui pourrait élever le développement matériel et le succès matériel au plus haut degré, qui apporterait sur la terre un tel bien-être que le ciel et la terre deviendraient superflus pour l’homme. L’antéchrist sera le résultat logique, équitable et naturel de la direction morale et spirituelle suivie par tous les hommes.

Et pourtant, les miracles du Dieu incarné apportaient les bénédictions matérielles les plus grandes que l’humanité puisse imaginer. Quelle bénédiction pouvait être plus précieuse que le retour d’un mort à la vie ? Quelle bénédiction pouvait être plus précieuse que la guérison d’une maladie incurable, rendant la vie d’un homme semblable à une lente agonie ? Pourtant, en dépit du bénéfice, de la sainteté et du sens spirituel de ces miracles du Christ, ils n’étaient que des dons temporels. Pour dire les choses précisément, on devrait les qualifier de signes. Ils étaient les signes de la Parole du salut éternel. Ceux qui ont été ressuscités par le Dieu-Homme sont finalement morts en leur temps, ils n’ont été gratifiés que d’une extension de leur vie terrestre, ils n’ont pas reçu cette vie pour toujours. Guéris par le Dieu-Homme, ils sont tombés de nouveau malades et sont morts. La santé leur a été donnée seulement pour un temps, pas pour toujours. Les bénéfices temporels et matériels ont été déversés comme des signes des bénéfices éternels et spirituels, afin que les hommes puissent croire à l’existence de ces dons invisibles et les accepter. Ces signes les ont délivrés du gouffre de l’ignorance et de la sensualité et les ont conduits à la foi. La foi implique la connaissance des bénédictions éternelles et provoque le désir de les acquérir. Avec l’aide de signes merveilleux, les Apôtres ont répandu le Christianisme dans le monde. Ces signes étaient un témoignage clair et puissant du Christianisme devant les nations sans éducation, devant ceux qui vivaient encore dans l’ignorance spirituelle et dans la barbarie. Quand la foi fut plantée partout, la Parole fut plantée, et les signes cessèrent, puisqu’ils avaient accompli leur mission. Ils cessèrent d’agir partout. Seuls quelques élus de Dieu pouvaient les accomplir de temps à autre. Saint Jean Chrysostome, Père de l’Eglise et auteur des quatrième et cinquième siècles, rapporte que déjà en son temps, les signes de la Grâce ont cessé, sauf à quelques endroits, en particulier chez les moines, qui en sont en quelque sorte les dépositaires. Par la suite, ces dépositaires devinrent plus rares. Les Saints Pères ont fait des prédictions sur les derniers temps, quand ces dépositaires n’existeront plus.

« Pourquoi, demandent certains, n’y a-t-il plus de signes aujourd’hui ? Voici ma réponse, écoutez-la bien, parce que j’ai déjà entendu cette question souvent, même régulièrement, et venant de nombreuses personnes. Pourquoi est-ce qu’à l’époque, tous ceux qui recevaient le baptême se mettaient à parler des langues étrangères, et plus maintenant ? Pourquoi la grâce des miracles est-elle maintenant ôtée aux hommes ? Dieu fait ainsi non pas pour nous couvrir d’opprobre mais pour nous accorder un honneur encore plus grand. Dans quel sens ? Je vais vous l’expliquer. Les gens de ce temps-là avaient l’esprit lent, puisqu’ils venaient seulement de se détourner des idoles. Leur esprit était charnel et lourd, ils étaient plongés dans le matériel et offerts au matériel, ils ne pouvaient pas concevoir l’existence de biens immatériels. Ils ne connaissaient pas non plus le sens de la grâce spirituelle, ignorant que tout est accepté par la seule foi, et pour cette raison, ils recevaient des signes. Parmi les dons spirituels, certains sont invisibles et acceptés par la seule foi, d’autres sont liés à un signe tangible, et destinés à faire naître cette foi chez les incrédules. Par exemple, la rémission des péchés est un don spirituel invisible : nos yeux ne voient pas comment nos péchés sont nettoyés. L’âme est purifiée, mais reste invisible aux yeux du corps. Donc la rémission des péchés est un don spirituel, invisible aux yeux du corps. La capacité de parler des langues étrangères, qui fait aussi partie de l’action de l’Esprit, sert cet Esprit par un signe, accessible aux sens, et peut être aisément observé par les incroyants. Une action invisible accomplie dans l’âme devient visible par l’intermédiaire du langage extérieur, que l’on peut entendre. C’est pour cette raison que Paul dit : La manifestation de l’Esprit est donnée à tout homme pour le profit de tous (1Cor.12,7). Et ainsi, je n’ai pas besoin de signes. Pourquoi ? parce que j’ai appris à croire à la grâce de Dieu sans les signes. Un incroyant a besoin de preuve, mais je suis croyant, et je n’ai pas besoin de preuve ou de signe. Je ne parle pas en langues, mais je sais que je suis purifié de mes péchés. Auparavant, on ne croyait pas avant d’avoir reçu un signe. Les signes étaient donnés comme une preuve de la foi. Ils étaient donnés non pas aux croyants, mais aux incroyants, afin qu’ils deviennent des croyants. Comme dit Saint Paul : un signe non pas pour ceux qui croient, mais pour ceux qui ne croient pas (1Cor.14,22) » (Première homélie de Saint Jean Chrysostome sur la Pentecôte)

Si les signes étaient absolument nécessaires, ils perdureraient. La Parole demeure, et les signes ont participé à son installation. La Parole s’est répandue, elle a régné, elle a embrassé tout l’univers. Elle est bien commentée par les Pères de l’Eglise, de manière accessible, facile à comprendre. Elle est absolument nécessaire, elle est porteuse de bénédictions éternelles, elle accomplit le salut de l’homme. Elle apporte le Royaume des Cieux, elle contient les signes les plus spirituels et les plus élevés de Dieu (Ps.118,18) La parole du Seigneur dure éternellement (1Pi.1,25). La vie est dans la Parole, et la Parole est vie (Jn.1,4). Elle donne naissance à la vie éternelle pour ceux qui sont morts, leur accordant du plus profond de ses entrailles la vie toute sainte. Ceux qui écoutent la Parole et la mettent en pratique sont ceux qui sont nés de nouveau, non pas d’une semence corruptible, mais d’une semence incorruptible, la Parole de Dieu, qui vit et dure pour l’éternité (1Pi.1,23) Pour comprendre le sens de la parole, nous devons l’accomplir. Les commandements évangéliques mis en pratique commencent immédiatement à transformer, à changer, à vivifier l’homme, son mode de pensée, les sentiments de son coeur, et même son corps. car la parole de Dieu est rapide et puissante, et plus acérée qu’une épée à deux tranchants, qui sépare et divise même l’âme et l’esprit...... et sonde les pensées et les intentions du coeur (Hb.4,12)

La Parole de Dieu contient en elle-même son propre témoignage. De la même façon que les miracles qui guérissent, elle agit dans l’homme lui-même, et par cette action témoigne d’elle-même. Voilà le signe le plus grand ! C’est un signe spirituel, qui, une fois accordé à l’homme, répond à tous ces besoins en matière de salut et rend inutile les signes matériels. Un chrétien qui ne connaît pas les attributs de la Parole, se dénonce comme froid à son égard, ignorant de la Parole de Dieu, ou bien en possession de la seule connaissance morte de la lettre.

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